Puisque l’on s’obstine à ne pas vouloir lire Oswald de Andrade en français, lisons-le en espagnol !
Tarde
de lluvia
Llueve, lluvia, está
lloviendo
que la ciudad de mi bien
estáse toda lavando.
Señor,
que yo no quede nunca
como ese viejo inglés
ahí del lado,
que duerme en una silla
esperando visitas que no
vienen.
Llueve, lluvia, está
lloviendo,
que los jardines de mi
bien
estánse todos limpiando.
La lluvia cae,
cae de bruces,
la magnolia abre su
paraguas
parasol de la ciudad
de Mario de Andrade ;
la lluvia cae,
escurren las goteras del
domingo.
Llueve, lluvia, está
lloviendo,
que la casa de mi bien
estáse toda mojando.
Anochece sobre los
jardines.
Jardín de Luz.
Jardín de la plaza de la
República,
jardín de los
platanares.
Noche.
Noche de Hotel.
Llueve, lluvia. Está lloviendo.
Oswald
de Andrade
Il s’agit du fameux « Soidão » (« Chove chuva
choverando… ») publié dans le deuxième recueil de l’auteur, Primeiro caderno do aluno de poesia Oswald de Andrade (couverture de Tarsila do Amaral, illustrations de l’auteur,
São Paulo, s. n., 1927, tiré à
300 exemplaires). Oswald de Andrade y exploitait le filon de la poésie
naïve, après Pau Brasil (1925).
La présente version espagnole est due au poète péruvien Alberto Guillén (1897-1935), qui l’inséra
dans sa riche anthologie de poésie latino-américaine contemporaine, publiée en Espagne : Poetas jóvenes de América (Exposición) (Madrid, M. Aguilar, 1930, 289p. ; p.62-63 pour le texte cité). Anthologie
de poésie latino-américaine, en effet, puisque à côté des 210 poètes de
langue espagnole, venus d’Argentine, de Bolivie, de Colombie, de Cuba, d’Amérique
centrale, du Chili, d’Équateur, du Mexique, du Pérou, de Porto Rico, d’Uruguay
et du Venezuela, y figuraient 18 poètes brésiliens, dont plusieurs associés
comme Oswald de Andrade au courant moderniste (Ronald de Carvalho, Guilherme de
Almeida, Manuel Bandeira — mais pas Mário de Andrade, Carlos Drummond de Andrade,
Luis Aranha, Sérgio Milliet…).
Le fait est assez exceptionnel pour être signalé. Pendant les
années 1920, en effet, rares et précaires furent les relations entre le
modernisme brésilien et les divers foyers de l’avant-garde hispano-américaine
(eux-mêmes très interactifs). En témoignent les sommaires des nombreuses petites
revues indépendantes, publiées dans toutes les capitales culturelles, à tel
point qu’il fallait presque s’en remettre à la Revue de l’Amérique
latine, de Paris, pour voir se côtoyer, de
temps à autre et chacune dans leur rubrique encore, les nouvelles générations
latino-américaines.
Alberto Guillén, lui, aura voulu « les convaincre d’être
tous frères en un même sang bleu d’Amérique », en un concert dont « toutes
les notes, parfois contradictoires, parfois stridentes, parfois imprévues,
musicales toujours, toujours sincères, forment, de leur stupéfiant contrepoint,
la voix robuste, neuve et totale de notre Amérique » (propos tirés de la
préface).
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