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À l’enseigne d’Oswald de Andrade & de sa « poésie d’exportation », une vitrine arbitraire & généreuse de l’actualité éditoriale & culturelle française autour du Brésil moderniste, poétique, littéraire & artistique. « & Cie »: succursales en développement du côté des avant-gardes hispano-américaines. Livres, documents, trouvailles, curiosités, exclusivités dérisoires. Petit commerce de traduction & affaires d'import-export.
29 octobre 2012
22 octobre 2012
Bande-annonce
Sous presse :
António de Alcântara
Machado
Pathé-Baby
Préface d'Oswald de
Andrade
Illustrations de Paim
Traduction du portugais
(Brésil),
notes et postface
d'Antoine Chareyre
Éditions Petra (Paris)
Coll. « Voix d’ailleurs »
- à paraître en mars
2013 -
21 octobre 2012
Un colloque franco-brésilien à Paris
Colloque
international
« Les
90 ans du Modernisme brésilien »
Conférences en français et portugais.
Exposition.
Récital de poésie.
Concert.
Événement
organisé par l’APEB-fr (Association des Chercheurs et Étudiants Brésiliens en France),
en collaboration avec le CREPAL (Centre de Recherches
sur les Pays Lusophones) de l’Université Sorbonne Nouvelle (Paris 3) et le Département
de Lettres de l’Université de São Paulo (USP).
Jeudi 25 et vendredi 26 octobre 2012
à la Maison du Brésil.
(7 L, boulevard Jourdan, Paris 14e, Cité Internationale Universitaire)
Retransmission en direct sur le site officiel du
colloque.
Présentation et programme complet : http://www.modernismebresilien90ans.fr
5 octobre 2012
Là où il faut être
Lancement du volume
La Poésie du Brésil
Anthologie du XVIe au XXe siècle
Choix, présentation et traduction de Max de Carvalho...
Éditions Chandeigne (Paris)
« Bibliothèque Lusitane »
1512 p., 42€
Soirée de présentation
en présence de Max de Carvalho et des éditeurs
Mardi 16 octobre 2012 à 19h
à la Librairie Portugaise et Brésilienne
(19/21 rue des Fossés
Saint-Jacques, Place de l’Estrapade, Paris 5e)
Vient de paraître - Du Modernisme et des anthologies
La Poésie du Brésil
Anthologie du XVIe au XXe siècle
Choix, présentation et traduction de Max de Carvalho
Choix, présentation et traduction de Max de Carvalho
en collaboration avec Magali de Carvalho et Françoise
Beaucamp
et avec la participation d’Ariane
Witkowski, Isabel Meyrelles,
Inês Oseki-Dépré, Patrick Quillier et Michel
Riaudel
[et, pour les notices, d’Émilie Audigier, Glória Carneiro do Amaral, Renata Palotini,
[et, pour les notices, d’Émilie Audigier, Glória Carneiro do Amaral, Renata Palotini,
Vagner Campilho, Antoine Chareyre, Saul Neiva et
Michel Riaudel]
édition bilingue
Éditions Chandeigne (Paris)
édition bilingue
Éditions Chandeigne (Paris)
« Bibliothèque Lusitane »
Le commentaire de Bois Brésil & Cie :
Anthologies, anthologies… On ne peut aimer vraiment les anthologies, quand tant d’auteurs méritent et attendent encore des volumes en leurs noms seuls. Quand la promesse des échantillons semble ajourner indéfiniment de plus systématiques importations. Quand l’on embrasse si volontiers pour si rarement étreindre. En voilà une pourtant qui devrait faire date et sans doute plus qu’aucune autre, de celles qui parurent en France en ce domaine si mal connu, si inégalement parcouru, de la poésie brésilienne, de toute la poésie brésilienne. Une somme inédite assurément, par l’amplitude et la richesse du panorama qu’elle propose (près de cinq siècles, plus de 130 auteurs…), et impressionnante par son ambition, dont témoignent aussi le nombre et la qualité des spécialistes et traducteurs qui ont apporté leur concours à la réalisation d’un tel projet.
Du fait même de l’ampleur de la sélection, ce luxe inespéré, et parce que son maître d’œuvre a souhaité composer, comme il s’en explique, un choix qui ne reconduise pas nécessairement « les renommées admises », « un consentement général qui n’offre en ces matières aucune garantie », « le suffrage du lecteur brésilien », autrement dit le canon local en vigueur (celui qui eût prescrit, justement, les dites « pièces d’anthologie »), on y trouvera maints auteurs habituellement négligés ou oubliés, et le lecteur spécialement curieux de ce qui s’écrivit en poésie à la faveur du mouvement moderniste des années 1920 pourra découvrir des noms et des textes qui, eux aussi, ont été largement relégués au second plan de l’histoire littéraire par la consécration forcément simplificatrice de quelques chefs de file, les deux Andrade, Mário et Oswald, et par celle de Carlos Drummond de Andrade et Manuel Bandeira, tous quatre heureusement rejoints ici, donc, par leurs comparses de l’époque.
Ainsi Max de Carvalho n’a-t-il pas craint de redonner toute leur place à Raul Bopp, Ronald de Carvalho, Guilherme de Almeida, Cassiano Ricardo, Menotti del Picchia, Ribeiro Couto, et jusqu’au confidentiel Luís Aranha, dont la présence n’était pas acquise et qui s’impose décidément, dans le champ éditorial de ces dernières années, comme un moderniste central en dépit de sa carrière poétique avortée. Autant de personnalités peu traduites, parfois pour la première fois en ces pages, et par lesquelles se recompose, à nos regards détrompés, la réelle diversité poétique du premier modernisme.
Revers peut-être de tant de générosité, ou limites de la subjectivité, il faudra déplorer par exemple de ne trouver ici absolument rien du vers-librisme halluciné de Paulicéia desvairada (1922) : pas un poème de ce recueil pourtant paradigmatique dans le choix consacré à Mário de Andrade ; pas un mot, pas la moindre référence, dans la notice biobibliographique de l’auteur. Dans la mesure où la préface de l’organisateur et traducteur principal est tout sauf un abrégé d’histoire de la poésie brésilienne, exercice jugé par trop académique peut-être mais que l’on attendait légitimement, et puisque les notices sont elles-mêmes, bien souvent, un peu chiches, on se demande comment un lecteur néophyte pourra comprendre vraiment quelque chose à la révolution poétique entreprise par la génération de 1922, si d’aventure il lui prenait d’ouvrir cette anthologie en pensant y trouver des repères sûrs. De même, Oswald de Andrade n’est pas des mieux servis, et ses morceaux choisis, par leur nombre et l’ensemble qu’ils forment, ne donnent certainement pas la meilleure ou la plus juste idée de ce que fut la poésie de Pau Brasil (1925) ; on peine encore, visiblement, à le prendre vraiment au sérieux.
Ces déséquilibres (et non ces lacunes, entendons-nous bien, car rien n’est plus absurde que de reprocher à une anthologie d’être incomplète), cette tendance plus ou moins tacite qui lèse Mário et Oswald de Andrade, ne s’expliquent que trop. De manière générale en effet, et paradoxalement, ces mêmes critères qui ont favorisé l’entrée au sommaire des poètes modernistes, et de telle ou telle pièce de ceux-ci, semblent faire prévaloir la qualité spécialement brésilienne de leur production au détriment relatif de leur dimension, précisément, moderniste et universelle, ou encore, osons le mot, « futuriste ». C’est un dilemme, évidemment, et un équilibre introuvable, pour ces poètes dont l’avant-gardisme a consisté précisément, à des moments et des degrés divers, à refonder une brésilianité qui fût propre, comme telle, à prendre part au concert contemporain des nations — mais il est manifeste, dans les intentions de l’anthologiste, qu’aux ruptures de paradigme, à la discontinuité constitutive du temps culturel et à la verticalité qui eût ouvert davantage de perspectives synchroniques, l’on a préféré ici l’horizontale continuité d’un génie national. Ces lignes de la quatrième de couverture, en sympathie avec la préface, le disent assez :
« plus qu’une anthologie, cette composition est une invitation à un voyage sensoriel, à la célébration d’une démesure propre au Brésil. C’est une brassée de poèmes rythmée par la splendeur des paysages, un catalogue émerveillé exaltant la saveur de l’île Brésil à travers ses fruits, sa flore, sa faune, sa toponymie scandée de noms indiens, etc. Autant de preuves que le poète du Brésil serait condamné à laisser transparaître, même malgré lui, ce vertige des sens et cette exubérance de la nature. »
N’a-t-on pas entendu cela, déjà ? Blaise Cendrars au Brésil : « Quelle merveille ! » Or l’intégration définitive des poètes modernistes à l’histoire de la modernité occidentale, et non leur assignation à résidence, n’aura lieu, peut-on estimer, qu’à partir du renversement radical de tels présupposés : veut-on donner à lire des Brésiliens qui furent poètes, ou des poètes qui furent brésiliens ? « La poésie du Brésil » : qu’est-ce à dire ? Se dessine là, ne nous le cachons pas, un départ entre deux parti-pris sans doute inconciliables, en matière d’engagement et d’approche éditoriale.
Soit. La critique des anthologies est un exercice facile. Et d’une pertinence suspecte, lorsqu’elle représente des intérêts particuliers. Cette Poésie du Brésil-là est une œuvre d’auteur revendiquée, l’œuvre d’un poète, et l’on ne saurait sans ridicule reprocher à Max de Carvalho, qui s’en justifie suffisamment, d’avoir composé à sa façon un ouvrage que personne avant lui n’a osé ou su entreprendre, et qui, par bien des côtés et pour la plupart des périodes couvertes, viendra satisfaire, sans doute pour longtemps, des curiosités autrement sans ressources.
Présentation de l’éditeur et sommaire :
15 septembre 2012
Dans la presse française 9 et 10
Comptes rendus (précoces) des ouvrages Bois Brésil (Poésie et Manifeste) d’Oswald de Andrade et Une poétique de la radicalité (Essai sur la poésie d’Oswald de Andrade) de Haroldo de Campos, par Teresa-Cristina Duarte-Simões, publiés en portugais dans Caravelle (Cahiers du monde hispanique et luso-brésilien) (Toulouse, Presses Universitaires du Mirail), nº95 de décembre 2010 (p.247-250) et nº96 de juin 2011 (p.276-277).
Extraits choisis et traduits :

24 juin 2012
Traductions, traductions...
Deux modernistes brésiliens
dans une anthologie nord-américaine
Voilà que l’on relève la présence de Mário de Andrade et de Luís Aranha dans une anthologie qui vient de paraître aux États-Unis, Burning City : Poems of Metropolitan Modernity, éditée par Jed Rasula et Tim Conley (Notre Dame, Action Books, 2012, xx-574p.), représentés avec un poème chacun, respectivement « Typewritter » [« Máquina de escrever », tiré du recueil O Losango Cáqui de 1926] et « Cocktail » [tiré de Cocktails, composé vers 1922 et inédit jusqu’en 1984].
Les deux Brésiliens n’occupent pas le même rang, loin de là, dans les histoires de la littérature brésilienne. L’un, très fameux, a acquis une place paradigmatique, ne serait-ce qu’en tant que chef de file et théoricien du mouvement moderniste de São Paulo ; l’autre est resté plus marginal, longtemps inédit ou presque, et aurait pu demeurer tout à fait inconnu. Ils furent toutefois très complices, biographiquement et esthétiquement, et dans la diversité des tendances et sous-courants modernistes, Aranha fut peut-être le plus proche de la poésie pratiquée par Mário de Andrade autour de 1922 (bientôt en français).
De fait, à partir d’un certain prisme de lecture (favorisant l’innovation et l’engagement avant-gardiste si ce n’est expérimental), le confidentiel Luís Aranha est bien l’un des premiers à retenir l’attention, au sein de sa génération, et il n’est pas étonnant qu’à cet égard son œuvre ait pu faire l’objet de récentes traductions française (La Nerthe, 2010) et espagnole (La Isla de Siltola, 2012), en flagrante contradiction avec le canon littéraire en vigueur (et sa situation éditoriale présente) au Brésil — en somme, Aranha sera bientôt plus connu à travers le monde qu’il ne l’est actuellement dans son propre pays.
Aussi bien Mário de Andrade et Luís Aranha, pour ces mêmes raisons, se sont-ils déjà trouvés représenter à eux deux le Brésil dans une anthologie thématiquement comparable, Aviones plateados : 15 poetas futuristas latinoamericanos, éditée par Juan Bonilla en Espagne, en 1993 et 2009.
On les retrouve donc ici, quoique discrètement, dans « un “Baedecker multisensoriel” des nombreuses incarnations du modernisme international des années 1910-1939 », « inspiré par les plans abandonnés [de] Yvan Goll en vue d’écrire une histoire de la modernité à travers la poésie de cette période » (présentation de Marjorie Perloff), autrement dit en très belle et significative compagnie, dans un choix éclectique et pléthorique qui rapproche comme trop rarement des avant-gardistes historiques de tous bords, sans négliger des figures injustement oubliées.
Bref, une invitation à lire la poésie moderniste brésilienne en consonance avec toutes les voix de l’avant-garde des années 1910 et 1920, urbanophile, « modernolâtre » ou expérimentale, sur un horizon où le Brésil comme toute l’Amérique latine font trop souvent défaut.
14 juin 2012
À propos de Benjamin Péret dans le Brésil anthropophage
L’occasion d’entendre évoquer sans doute, entre autres anecdotes de la passionnante aventure brésilienne de Benjamin Péret, le compagnonnage furtif du surréaliste français avec le groupe « anthropophage » d’Oswald de Andrade…
Soutenance de thèse
de
Maria Leonor Lourenço de Abreu
« Benjamin Péret et le Brésil »
Lundi 25 juin 2012 à 14h30
Sorbonne Nouvelle – Paris 3
17, rue de la Sorbonne
Salle Bourjac (galerie Rollin)
- soutenance publique -
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B. Péret, Tarsila do Amaral et O. de Andrade ( 3e à 5e à partir de la gauche), Rio de Janeiro, 1929. |
Directeur : M. Henri Béhar, Professeur émérite.
Membres du jury : M. Henri Béhar, Professeur émérite (Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3), Mme Isabelle Krzywkowski, Professeur des universités (Université Grenoble 3), M. Daniel Pageaux, Professeur des universités (Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3), M. Régis Tettamanzi, Professeur des universités (Université de Nantes).
4 juin 2012
Propagande transatlantique 8
Un prologue pour Luís Aranha
Voici que tombe entre nos mains l’édition espagnole de Cocktails de Luís Aranha (La Isla de Siltola, 2012). De très belle facture, ce charmant petit volume comprend des notes bien utiles, sur tous les points, de la traductrice, Marie-Christine del Castillo, et un prologue de Juan Manuel Bonet, ordinairement un très bon connaisseur de la poésie d’avant-garde en langue espagnole (en particulier l’Ultraïsme), et dont le point de vue, pour cela-même, présente cet intérêt assez rare d’intégrer le Modernisme brésilien dans le panorama de l’avant-garde ibérique et latino-américaine. S’y déploie ainsi une belle érudition rêveuse, à travers les livres, en même temps qu’un éloge sans ambages de l’œuvre discrètement sensationnelle de Luís Aranha.
Pour ces raisons, et pour d’autres encore, nous en donnons aujourd’hui la version française, avec l’accord de l’auteur et de l’éditeur, que nous remercions pour leur confiance.
N.B. : Pour la facilité de la lecture, l’on s’est autorisé l’insertion entre crochets, dans le corps du texte de Bonet, de quelques précisions très ponctuelles et traductions du portugais. Les illustrations sont également des ajouts exprès pour la publication du texte sur Bois Brésil & Cie.
São Paulo circa 1922
par Juan Manuel Bonet
par Juan Manuel Bonet
[Traduit de l’espagnol.]
São Paulo n’est pas une ville mais tout le contraire
Julián Marías (1954)
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1e éd. de Cocktails (1984) |


Encore inédit en volume, Luís Aranha avait déjà été l’objet d’un texte lucide et important — bien que par moments un peu paternaliste, à commencer par son titre — précisément de Mário de Andrade, paru dans le septième numéro de Revista Nova : « Luís Aranha e a poesia preparatoriana », et bientôt recueilli dans Aspectos da literatura brasileira (1943). Texte disponible en français dans le très intéressant appendice sur lequel se ferme l’édition [toulonnaise] de Cocktails. Dans un livre antérieur, A escrava que não é Isaura (1924), Mário de Andrade avait qualifié Luís Aranha comme étant « entre nós, o que melhor percebeu a simultaneidade exterior da vida moderna » [« chez nous, celui qui a le mieux perçu la simultanéité extérieure de la vie moderne »], et aussi un « filho da simultaneidade contemporânea ». Avant Mário, un autre important compagnon de génération, le susmentionné Sérgio Milliet, avait parlé de lui, élogieusement, dans des articles sur la jeune littérature brésilienne dans Lumière d’Anvers (1922) et dans la Revue de l’Amérique Latine de Paris (1923), lui consacrant bientôt, en 1926, un article spécifique dans une autre revue, Terra roxa e outras terras, article postérieurement recueilli, avec quelques modifications, dans Terminus seco e outros cocktails (1932), dont le titre même semble indiquer une certaine affinité avec son compagnon en klaxisme. Manuel Bandeira, pour sa part, inclut Luís Aranha dans l’une de ses anthologies, tandis que Cassiano Ricardo, moderniste « verde-amarelo », devait le considérer comme un précurseur de la poésie concrète, dont l’un des pratiquants, José Lino Grünewald, allait lui consacrer deux articles.
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Le groupe de la Semana de Arte Moderna (février 1922) |


« Drogaria de éter e de sombra » est le poème sur lequel s’ouvre Cocktails. Quel titre incroyable, et quel grand poème urbain, qui part de la propre expérience professionnelle de l’auteur dans un établissement du type de celui auquel il est fait allusion dans ce titre, décrit comme une « gruta de sombra » [« grotte d’ombre »] — comme un magasin de couleur cannelle, dirions-nous à la polonaise —, et aussi comme une espèce de galerie des glaces. Poème qui incorpore le collage* d’annonces du début — un peu dans la lignée du calligramme de Paul Morand sur la Puerta del Sol madrilène, traduit par Rafael Cansinos Assens pour Grecia —, ou la simple liste de médicaments, jusqu’à un érotique « Poema eléctrico » à la Marinetti ou à la Corrado Govoni, en passant par la très curieuse considération des employés comme des chevaliers médiévaux, par un raid aérien Rio-Buenos Aires, par la bourse avec la hausse du dollar et la baisse du café, par l’immigration, par le port de Santos, par la lecture du journal dans un tramway lourd comme un éléphant de cirque, par les drogues et la toxicomanie et une Chine qui préfigure celle du Lotus bleu de Hergé et un Japon de haïkus et de lanternes en papier, par une usine pauliste de produits chimiques, par un million de machines à écrire maïakovskiennement actionnées en même temps… Poème où Luís Aranha fait directement référence à son processus de transition du symbolisme à l’avant-garde : « Incêndio na minha Biblioteca de Alexandrinos !… » [« Incendie dans ma Bibliothèque d’Alexandrins !… »]. Transition explicitée dans quelques-unes de ses compositions plus courtes, par exemple dans le fantasmagorique et merveilleux « Passeio », où il évoque ses conversations nocturnes et péripatétiques avec son mentor Mário de Andrade, qui est celui qui nous donne la clé pour le comprendre. Poème — je reviens à « Drogaria de éter e de sombra » — qui mêle l’expression de la métropole trépidante avec ses foules, ses matchs de football, son trafic automobile et sa gare de chemin de fer, le cosmopolitisme de l’oriental, la poésie du commerce d’autrefois… Poème où « ressortent » pour le moins Walt Whitman, Igor Stravinsky et Émile Verhaeren. Le grand symboliste belge, tellement du goût de Marinetti et des expressionnistes allemands — et de notre Ramón de Basterra —, avait été, localement, une référence importante pour les symbolistes et les « penumbristas » brésiliens. De 1918 date la curieuse plaquette Verhaeren — que je ne connais que par fragments — de Antonio Francisco da Costa e Silva, qui le voit comme un poète « que interpretou, cantando, a tumultuária insania/ E o unânime conflito repentino/ Da atividade contemporânea/ No turbilhão dos espetáculos vulgares/ De fábricas e uzinas, bancos e bazares ;/ E em arroubos febris de poesia espontânea,/ Fez viver, na sua arte original e pura/ De turbulenta desenvoltura,/ Cidades tentaculares,/ Movendo-se através de planícies e mares,/ Na confusão dos portos e das gares » [« qui interpréta, en chantant, la tumultueuse folie/ Et l’unanime conflit soudain/ De l’activité contemporaine/ Dans le tourbillon des spectacles ordinaires/ De fabriques et d’usines, de banques et de bazars ;/ Et qui en des extases fébriles de poésie spontanée,/ Fit vivre, en son art original et pur/ D’une turbulente désinvolture,/ Les villes tentaculaires,/ Se mouvant à travers plaines et mers,/ Dans la confusion des ports et des gares »]. Dans « Drogaria de éter e de sombra », Luís Aranha incruste, dans la langue originale, un très beau vers de Verhaeren qui brille — « les chats d’ébène et d’or ont traversé le soir* », tiré d’un poème des Flambeaux noirs (1890) —, citant peu après l’un de ses titres les plus significatifs et les plus pré-futuristes, Les villes tentaculaires (1895) — nous venons de le voir cité par Da Costa e Silva —, et faisant allusion à sa mort, renversé par un train, en 1916, en gare de Rouen. Nous rencontrons à nouveau le Belge dans « Crepúsculo », le poème pénultième du livre : « as forças tumultuosas de Verhaeren ». Il est évident que la référence verhaerenienne a été héritée par le benjamin du très belgisant* Mário de Andrade, et à cet égard il faut rappeler que dans le « Prefácio interessantíssimo » de Paulicéia desvairada, ce dernier cite lui aussi Whitman et Verhaeren, et c’est à ce dernier qu’appartient le vers — « Dans mon pays de fiel et d’or j’en suis la loi* » — qui sert de portique à cet essai, tiré de l’une des compositions qui intègrent les Poèmes, 3e série (1912).

Fils d’un avocat et homme d’affaires avec demeure sur l’Avenida Paulista, étudiant chez les Frères Maristes jusqu’en 1919, employé — j’y ai fait allusion plus haut — dans une pharmacie du centre, Aranha est un poète presque dépourvu de biographie. En 1922, l’année de la Semaine d’Art Moderne, il commença des études de Droit. Plus tard il se consacra, comme je l’ai déjà indiqué, à la carrière diplomatique. Il fut le premier de sa promotion, et à partir de 1929, jusqu’en 1962, date de son départ en retraite, après un moment passé au siège central, le Palacio de Itamaraty — l’équivalent carioca de notre palais de Santa Cruz —, il servit son pays au Portugal, en Italie, au Vatican, au Venezuela, au Chili — où il fut consul dans une ville aussi littéraire et avant-gardiste que Valparaíso —, en Allemagne, au Japon — comme Manuel Maples Arce [2] ou comme Octavio Paz — et à Ceylan. Il fut en outre délégué de son pays dans diverses conférences internationales. Sa femme, Dulce Maria Lage, née en 1907, qu’il avait épousée en 1933, lui survécut jusqu’en 2009, date de son décès à Rio également.
Nelson Ascher parle, à la fin de son prologue, d’un « mystère Luís Aranha ». Établir, comme l’ont fait Manuel Bandeira, Sérgio Milliet, Mário da Silva Brito et d’autres, un parallélisme forcé avec Rimbaud, je trouve cela un peu excessif toutefois, entre autres raisons parce que ni Itamaraty — c’est ainsi que l’on continue de désigner aujourd’hui le siège central du ministère, qui logiquement n’est plus à Rio, mais à Brasília — ni les consulats et les ambassades successifs n’ont quoi que ce soit à voir avec l’Abyssinie. Mais,en effet, il y a un mystère, un cas Luís Aranha. Le poète comme vainqueur posthume : peu à peu, on commence à le reconnaître comme l’une des grandes voix de la poésie brésilienne, qui est de manière plus en plus claire, pour ma part, l’une des grandes poésies du monde.
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G. de Torre dans Klaxon n°5. |
Presque au moment de mettre le point final à ces lignes, je constate que j’ai toujours décrit, sur le plan national, l’ultraïsme espagnol comme un cocktail : cubisme littéraire tant dans sa version apollinarienne que dans sa version créationniste huidobrienne, futurisme marinettien, expressionnisme allemand (par les traductions de Borges), dadaïsme, vibrationnisme barradien, ramonisme… Le klaxisme fut un cocktail semblable, dans les ingrédients duquel ne manqua pas l’ultraïsme lui-même : Guillermo de Torre figura parmi les collaborateurs de la revue. Il est inutile de rappeler encore que Luís Aranha et le Sérgio Milliet de Terminus seco e outros cocktails ne furent pas seuls. Il se trouve de précieux livres, parmi ceux publiés à ce sujet dans le Paris « twenties », et trois d’entre eux sont illustrés par trois grands, Paul Colin, Paul Iribe et Jean-Émile Laboureur. Magistral, dans le même domaine déco*, le livre de cocktails de l’hôtel Savoy de Londres, illustré par Gilbert Rumbold : un classique. Les exemples similaires abondent aux États-Unis, où naquit ce type de boissons. Ici, nous avons Perico Chicote. Les cocktails ne manquent pas non plus dans notre littérature d’avant-garde : par exemple le Julepe de menta (1929) de l’inévitable Ernesto Giménez Caballero. Dans ma liste de désidératas latino-américains — je termine par là où j’ai commencé —, figure depuis peu un délicieux petit livre de cocktails — je ne donnerai pas plus de pistes —, avec une couverture réalisée selon la technique du batik, et imprimé en un tout petit nombre d’exemplaires, dont l’un, dédicacé par le barman-écrivain à Paul Morand, est conservé à Vichy, dans la fabuleuse bibliothèque de Valery Larbaud, où j’ai eu connaissance de l’existence d’une telle publication. Et un dernier « Cocktail », celui-ci daté de Washington, en 1923 : le poème ainsi intitulé qui figure dans Avión, de Luis Quintanilla… qui est un peu, celui-ci, El viaje redondo, pour le dire avec Arqueles Vela et rester, par conséquent, stridentiste, et rester larbaldien également, car la seule fois que je vis ce livre du Guatémaltèque ce fut dans la susdite bibliothèque de l’auteur de Barnabooth. Mais ne m’écoutez plus, et ouvrez bien vos oreilles, plutôt, pour écouter le très singulier Luís Aranha, qui agite dans la nuit son shaker pauliste, circa 1922.
Note de l’auteur :
(*) Après avoir écrit ce prologue, alors que je travaille une fois de plus sur notre ultraïsme, je me trouve à nouveau devant le poème « Ciudad giratoria » de Isaac del Vando-Villar, publié dans le n°4 (1er mars 1921) de Ultra de Madrid, puis dans son unique recueil, La sombrilla japonesa (1924). Et en lisant l’intéressant ouvrage de Fernando Castillo, Madrid y el arte nuevo (1925-1936) : Vanguardia y arquitectura (Madrid, La Librería, 2011), je trouve une citation du récit « Hora muerta », de El boxeador y un ángel (Madrid, Cuadernos Literarios, 1929), de Francisco Alaya : « La ville, grande plateforme giratoire ».
Notes du traducteur :
[1] Rappelons qu’il y eut en réalité, à l’époque, au moins un cinquième poème publié en revue : « O vento », dans la Revista do Brasil (São Paulo), n°98, février 1924 — même si cette publication, sans doute, peut être déjà considérée non comme un acte d’auteur, mais comme due à l’entremise des amis Mário de Andrade et Sérgio Milliet.
[2] De Maples Arce, à paraître dans quelques mois, nous dit-on, un volume bilingue espagnol/français rassemblant les manifestes stridentistes et l’œuvre poétique des années 1920.
© Texte original espagnol : Juan Manuel Bonet et Ediciones de La Isla de Siltolá.
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