Note sur Cacao
[et sur Parc industriel]
par Murilo Mendes
par Murilo Mendes
Cacao
est-il un roman prolétaire ? demande Jorge
Amado dès l’ouverture du livre. Il faut avant toute chose savoir ce que
l’auteur entend par roman prolétaire. Je pense que la mentalité prolétaire est
encore en formation ; ce n’est qu’à présent que le prolétariat prend
conscience de son rôle historique ; par conséquent, surtout dans des pays
au développement capitaliste très en retard, comme le nôtre, il n’existe pas
encore une mentalité prolétaire. Naturellement, l’écrivain qui ne trouve pas de
motifs d’inspiration dans la vie déjà en décomposition de la société
bourgeoise, devra observer la vie des prolétaires, et, s’il veut être un
écrivain révolutionnaire, devra s’intégrer à l’esprit prolétaire, dans le cas
contraire il fera un simple reportage. Le cas récent de Pagu est typique. « Roman prolétaire », annonce l’auteur
au frontispice de Parc industriel. Il y a erreur. C’est un reportage
impressionniste, petit-bourgeois, réalisé par quelqu’un qui souhaitait franchir
le pas mais ne l’a pas fait. On assiste à l’entrée à l’usine, à la sortie de
l’usine, à des rencontres entre le fils du grand capitaliste et la fille de
l’ouvrier, etc. Il semble que pour l’auteur l’objectif de la révolution soit de
résoudre la question sexuelle.
Sur
le parc industriel proprement dit, on sait peu de choses.
Quant
à Cacao, ce livre a une tout autre
consistance. L’auteur examine la vie des travailleurs de la plantation de cacao
avec une ample vision du problème, et ne sacrifie pas au pittoresque l’intérêt
humain du drame. Du point de vue littéraire il est bien écrit, sans excès de
détails descriptifs ; les conditions de vie dans les plantations sont
présentées schématiquement, il y a du mouvement, du naturel dans les dialogues.
Les personnages sont plutôt réalistes, même si la fille du Colonel, vers la fin
du livre, a de ces palpitations qui nous font penser que l’auteur a voulu faire
de la littérature. […]
Avec ce
livre, Jorge Amado rejoint l’élite des nouveaux écrivains brésiliens.
(M. Mendes, « Nota sobre Cacau »,
Boletim de Ariel, Rio de Janeiro, n°12,
septembre 1933, p. 317.)
N.B. : Murilo
Mendes (1901-1975), auteur des éditions Ariel, publiait là dans la revue
des éditions Ariel un compte-rendu sur un livre publié aux éditions Ariel. Il
s’agit du 7e et dernier écho critique, le seul négatif, consacré à l’époque au
roman de Patrícia Galvão (Pagu) qui fut le premier « roman prolétaire »
au sens strict publié au Brésil, six mois avant celui de Jorge Amado, lequel
connut un autre succès…
À paraître :
Patrícia Galvão (Pagu)
Parc industriel
(roman prolétaire)
Inédit en français
Prologue de Liliane Giraudon
Prologue de Liliane Giraudon
Le Temps des Cerises
mars 2015
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