Pagu/Poudovkine/Gorki
« Ils entrent au
cinéma Mafalda pour voir un film russe tiré de Gorki. Les fauteuils populaires
sont convoités. […]
Dans l’obscurité, Otávia
veut tirer de chaque tête muette de spectateur, de chaque bras silencieux, une
adhésion aux crispations émotionnelles qui l’enveloppent. Elle sert la main d’Alfredo.
Mais beaucoup de gens n’attendent pas la fin de la séance.
Un groupe de jeunes
filles sort en plaignant à haute voix les dix centimes perdus pour un film sans
histoire d’amour.
Les inconscientes que
charrie le prolétariat. Étourdies par les reflets du régime bourgeois, par leur
fascination devant les toilettes qu’elles ne peuvent posséder mais qu’elles
désirent. Devant les automobiles de toutes les couleurs, les raquettes et les
plages. Nourries par l’opium impérialiste des films américains. Esclaves attachées
à l’illusion capitaliste.
Mais dans la rangée de
devant, deux jeunes travailleurs s’enthousiasment, s’absorbent dans le drame
prolétaire qui défile. L’un d’eux a parlé si fort que ses mots sont parvenus
tout entiers aux oreilles d’Otávia :
— Personne ici comprend
cette bombe ! »
trad. du portugais (Brésil) par A. Chareyre
Le Temps des Cerises, « Romans
des Libertés », 2015
chap. « Prolétarisation », p. 97
À voir :
La Mère
réalisé par
Vsevolod
Poudovkine
scénario de Nathan
Zarkhi
d’après Maxime Gorki
(URSS, 1926)
trad. de René
Huntzbucler [1952]
Le Temps des Cerises, « Romans des Libertés »,
2013
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