1. Brasília (District Fédéral, D. F. – le
Brésil est officiellement une fédération d’États, tout comme les États-Unis)
fut bâtie d’un seul élan dans la seconde moitié des années 1950, sous le
gouvernement de Juscelino Kubitschek (1902-1976) – Nonô, le « bel guincheur » –, selon le
plan-pilote de Lúcio Costa – la capitale projetée y prend la forme d’un
avion, et le poème s’ouvre d’ailleurs sur une vision aérienne de cette utopie
futuriste posée en pleine brousse – et embellie par les œuvres
monumentales d’Oscar Niemeyer, qui conçut aussi le siège du PCF à Paris.
2. Haroldo de Campos joue sur l’identité entre
le nom de l’aéroport central de São Paulo, Congonhas, et celui de la ville où se trouvent les
statues d’Aleijadinho, Congonhas do Campo (littéralement « coqs-de-bruyère »).
3. HC fait ici allusion à des œuvres d’Aleijadinho,
emblématique sculpteur brésilien actif au xviiie siècle
et au début du xixe siècle.
Il a acquis une notoriété en France grâce aux travaux de Germain Bazin (voir Aleijadinho et la sculpture baroque au
Brésil, Paris, Éditions du Temps,
1963).
4. HC, ainsi que son frère Augusto, ont lu les œuvres
des troubadours de langue d’oc, dont ils ont par ailleurs traduit un beau recueil
dans les années 1960.
5. HC fait souvent allusion à Walter Benjamin,
mais c’est ici le seul endroit, à ma connaissance, où il cite Ernst Bloch. « Le Midrash (hébreu :
מדרש,
pluriel midrashim) désigne à la fois
une méthode herméneutique d’exégèse biblique opérant principalement par
comparaison entre différents passages bibliques ainsi que, par métonymie, la
littérature recueillant ces commentaires. » [Wikipédia]
6. Nonô :
le sobriquet de Juscelino Kubitschek.
7. Une mutinerie déclenchée à la base aérienne
d’Aragarças, qui tourna court – et qui annonce, dans le poème, un autre envol
qui tournera mal, celui de la capitale elle-même avec son projet rédempteur.
8. Saint Jean Bosco, ou Don Bosco (1815-1888)
et Brasília : « [dans
un rêve], entre 15 et 20 degrés de latitude, il y avait un sinus assez
long et assez large qui partait d’un point avec un lac. Alors une voix redit à
plusieurs reprises que [...] de ce sinus apparaîtra la terre promise pleine de
lait et de miel, ce sera une richesse inconcevable. » (Memorie Biografiche, XVI, 385-394) Certains interprètes identifient ce lieu
avec Brasília, raison pour laquelle Saint Jean Bosco est l’un des patrons de la
capitale.
9. Brasília fut construite au beau milieu du plateau
central brésilien, presque désert alors – son but principal était d’ailleurs d’inaugurer
un pôle qui puisse diriger le peuplement de la région. Une idée semblable
refait de temps en temps surface, en Argentine, pour encourager le peuplement
de la Patagonie.
10. Max Bense (Strasbourg, 1910 - Stuttgart,
1990) était un philosophe allemand connu pour ses travaux sur la théorie des
sciences, la logique, l’esthétique et la sémiotique. Sa pensée relie les
sciences naturelles, l’art et la philosophie dans une perspective commune et s’attache
à définir une rationalité qui comme rationalisme existentiel peut éviter la
séparation entre une pensée réservée aux sciences naturelles et une pensée
réservée aux sciences de l’esprit. Il développe une esthétique de l’information
(Informationsästhetik) qui interroge la valorisation de l’œuvre d’art à
partir du traitement des informations. Pour y parvenir, il a recours à la
sémiotique de Charles Sanders Peirce. [Wikipédia] Il fut l’un des inspirateurs
du mouvement de la poésie concrète dans le Brésil des années 1950.
11. João Cabral de Melo Neto (1920-1999) fut une
autre source d’inspiration des poètes concrets.
12. Chove /
jorra / borbota / esternuta / esturra : comme l’observe bien Jairo Luna, la série est
construite sur des suffixes qui connotent, en portugais, une extrême violence ;
je n’ai malheureusement pas réussi à la reproduire en français.
13. En français dans le texte.
14. Probivires : terme formé sur le latin vir, « homme » ; donc des hommes probes, honnêtes.
15. Emprunt aux Lusiades
de Camões : « Qual
roxa sanguessuga se veria / Nos beiços da alimária (que imprudente, /
Bebendo a recolheu na fonte fria) / Fartar co’o sangue alheio a sede
ardente ; / Chupando mais e mais se engrossa e cria, / Ali se
enche e se alarga grandemente : / Tal a grande coluna, enchendo,
aumenta / A si, e a nuvem negra que sustenta. » Trad. : « telle une violacée sangsue pourrait-on voir / aux
lippes d’une bête (laquelle, imprudente, / en buvant l’attrapa à la
fontaine froide) / assouvir de sang vert cette soif pétillante ; /
à y sucer tantôt s’engorge à sa joie : / aussi la grand’colonne se
remplit, augmente / à soi-même, et au nuage noir qu’elle soutient ».
16. Peintre brésilien célébré à la fin de l’Empire
et au début de la République (proclamée en 1889), Pedro Américo (1842-1905) peignit
dans un élan jacobin la toile Tiradentes esquartejado (1893), où l’on
voit Tiradentes, équarri, en morceaux éparpillés aux pieds de l’échafaud...
donnant ainsi sa contribution au mythe qui était en train de se constuire autour
du héros récupéré.
17. La conjuration manquée est connue sous le
nom d’« Inconfidência mineira »
(conjuration du Minas), car basée à Ouro Preto (alors nommée Vila Rica,
« ville riche »), le centre aurifère de la province de Minas Gerais,
les « mines générales », c’est-à-dire ouvertes à tous... et souffrant
du manque de gestion de l’état colonial, présent surtout pour y percevoir des
impôts faramineux.
18. Joaquim
da Silva Rabelo (1779-1825), Frei Joaquim do Amor Divino Rabelo ou plus
populairement Frei Caneca, est un
autre personnage républicain, ayant participé à la dite Confédération de l’Equateur,
une révolte de courte durée
(1824) qui eut lieu dans la région du Nordeste au Brésil durant la lutte pour l’indépendance
contre le Portugal. Le mouvement sécessionniste fut dirigé par de riches
propriétaires terriens qui s’opposaient aux réformes de l’empereur Pedro I.
Les combats eurent lieu dans les États de Pernambuco, du Ceará et de Paraíba.
[Wikipédia] Il finit fusillé. Typhis
pernambucano est le titre du journal révolutionnaire
qu’il publia de décembre 1823 à août 1824.
19. Zumbi est le nom le plus connu parmi les
Nègres marrons – les esclaves en fuite qui trouvaient refuge (quilombo)
dans la forêt, dans des campements fortifiés. Comme le texte le dit plus bas,
il appartenait à un lignage noble qui dirigeait le gros quilombo de
Palmares, qui « fut, durant la
plus grande partie du xviie siècle
(1605-1694, mais son histoire va plus largement de 1580 à 1710), le plus
organisé et le plus durable des territoires autonomes d’esclaves marron, ou quilombo
en portugais du Brésil [en fait, le mot vient du kimbundu (parfois aussi écrit
kimboundou), idiome bantou d’Afrique de l’Ouest, notamment en Angola – LCBR].
Il parvint, pendant près d’un siècle, à tenir en échec les expéditions
militaires hollandaises et portugaises, constituant ainsi la révolte d’esclaves
la plus longue de l’histoire. À titre de comparaison, la célèbre révolte de
Spartacus durant l’Antiquité ne dura que dix-huit mois. Pour parvenir à réprimer
les rebelles, la Couronne portugaise dut mettre sur pied la plus imposante
armée jamais vue en Amérique ». [Wikipédia]. Au Brésil, l’abolition de l’esclavage fut tardive (1888).
20. Il n’est pas question, ici, d’un grade
militaire, mais du métier de chasseur d’Indiens et d’esclaves marrons.
21. Les Bandeirantes (porteurs de drapeau,
c’est-à-dire de leurs enseignes, voire d’enseignes de la Couronne portugaise)
furent des explorateurs qui, dans une large mesure, déterminèrent les
dimensions du Brésil d’aujourd’hui. Ils étaient en général des métis assez
proches des us et coutumes des Indiens, et leur base opérationnelle était
notamment la province de São Paulo, où ils sont encore revendiqués comme un facteur
de prééminence nationale.
22. Nheengatu : la « langue générale » des Indiens,
créée par les Jésuites dès le xvie siècle.
23. De l’une des ethnies de la région d’Afrique équatoriale
où se trouvent aujourd’hui le Nigéria et le Bénin.
24. Le
massacre des sans-terre à Eldorado dos Carajás (Pará) a fait l’objet du poème « L’ange gauche
de l’Histoire », publié dans le supplément culturel Mais ! (Folha
de São Paulo) le 28 avril 1996,
et recueilli dans Crisantempo (1998). [Voir la trad. française de Jean-René Lassalle dans l’« Anthologie permanente » de Poezibao. A. C.]
25. HC associe ici le massacre des paysans
amazoniens et le thème sacrificiel du Guesa errante de
Sousândrade. Le Guesa, chez les Muiscas de Colombie, était la victime promise à
un sacrifice par ailleurs bien décrit dans le texte, et que HC résume dans son
chapitre sur Sousândrade dans Brasil
transamericano (Perspectiva, 1992).
Plus loin dans le texte, il sera question de « l’Enfer
de Wall Street », un épisode de l’errance
du Guesa chez Sousândrade.
26. Descala : néologisme créé à partir de calar, « taire ».
27. Latifúndio
(de l’it. latifonde) : terme fondamental pour décrire les grandes
propriétés agricoles au Brésil.
28. Au xive siècle,
Dante reprend la théorie du Moyen Âge tardif selon laquelle Géryon est un
monstre composé de trois bêtes. Il décrit Gerione comme le monstre
représentatif de la fraude. C’est une bête ailée avec le visage d’un homme
honnête, les griffes d’un lion, le corps d’une vouivre et un dard empoisonné au
bout de la queue. Il erre entre le 8e et 7e cercle de l’Enfer.
Les poètes montent sur son dos et glissent lentement autour de la cascade du
Plegethon vers les grandes profondeurs du cercle de la fraude. Il s’enrichit de
références bibliques [Wikipédia]
29. Référence à l’empereur Pedro II, qui
avait horreur de son jaune poitrail d’apparat en plumes de toucan.
30. João Capistrano de Abreu (1853-1927) fut un
historien brésilien très patriote, au tournant des xixe et xxe siècles ;
comme le dit le texte, il se consacra aussi à l’étude des Indiens.
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