L’intérêt,
parmi tant d’autres, quand on s’efforce de traduire & introduire des
auteurs méconnus si ce n’est de seconde zone, & des textes négligés de
l’avant-veille, emblématiques ou marginaux, emblématiquement marginaux — &
dont il arrive d’ailleurs, au moment même où l’on entreprend de les traduire, qu’ils
ne soient plus édités (ou mal) dans la langue originale, pour ne rien dire des
hapax éditoriaux localisés & exhumés coûte que coûte —, l’intérêt, donc,
c’est que l’on a parfois la satisfaction intellectuelle de voir ces auteurs-là
suivre leur bout de chemin posthume, & ces œuvres-là réapparaître,
reparaître dans leur pays d’origine, & même, parfois, qui plus est, de se trouver
personnellement associé à l’entreprise de réédition — signe, peut-être, qu’on
ne fait pas tout à fait n’importe quoi. Ça circule dans tous les sens &
c’est très bien comme ça.
Joie
& fierté, donc & tout d’abord, de voir paraître ces jours-ci, au
Brésil, la 5e édition qui est aussi la 4e édition posthume
qui est aussi la 1re édition critique en portugais de Parque industrial, ce si singulier romance proletário de la fascinante Pagu
(Patrícia Galvão, 1910-1962), une absolue rareté d’abord autoéditée presque
clandestinement, sous le pseudonyme Mara Lobo, en 1933, puis reprise en 1981,
1994 & 2006 — il revenait de loin, ce petit livre, & comme on le voit,
le rythme des rééditions s’accélère drôlement !
Joie
& fierté, non moins, d’avoir comme qui dirait contribué à cette belle &
nécessaire publication, comme ça, en donnant aux lecteurs brésiliens une
version revue & corrigée, augmentée & adaptée, de la postface & des
notes conçues initialement pour l’édition française (2015), l’ouvrage ayant
connu par ailleurs des traductions en anglais (1993) — Kenneth David Jackson
est également de la partie —, en croate (2013) & en espagnol (2016).
(Un
amical & confraternel coup de chapeau à Daniel Lühmann, qui s’est chargé,
dans une large mesure, de mettre en bel & bon portugais mes quelques
considérations sur l’apparition & les enjeux de ce premier roman
prolétarien (& féministe) de la littérature brésilienne, influencé par le
meilleur de la prose moderniste.)
Forte
émotion, aussi, à l’idée d’en partager le sommaire avec Augusto de Campos, qui
livre ici une préface inédite, lui sans qui Pagu serait sans doute restée dans
les limbes de l’histoire littéraire & culturelle, dans l’ombre maudite de
la mémoire politique brésilienne, et qui est aujourd’hui une légende, & un
exemple.
Gratitude
envers l’initiative de Marília Moschkovich des éditions Linha a Linha, cette
« première maison d’édition féministe au Brésil » qui avec pareil
titre ne pouvait mieux inaugurer son catalogue, sous un label, « Carolina »,
expressément dédié aux écritures féminines & aux questions de genre, aux
voix marginales & discriminées.
&
puis, tant qu’on y est : amitiés volontiers renouvelées à Juliette
Combes-Latour & aux éditions Le Temps des Cerises qui, ayant publié tantôt
la version française du roman (joliment saluée par la critique), se trouvent contribuer de la sorte,
indirectement, à l’histoire de l’édition brésilienne. Pour une petite maison
militante cofondée par Jorge Amado — cet autre pionnier du roman social
brésilien —, c’était bien la moindre des choses…
Revoilà
donc, lisible de tous, portée par un geste éditorial concerté & ouvertement
militant, une fiction efficace, brute & brutale, qui conjugue activisme
communiste & revendications féministes : un brûlot révolutionnaire qui
a de quoi agiter les esprits dans le Brésil de 2018, en proie à toutes les
régressions morales, politiques, sociales & culturelles !
N.B. :
& les lecteurs français, eh bien qu’ils se jettent, si ce n’est fait, sur
l’édition française :
Ça se trouve,
en librairie.
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