22 novembre 2010

Propagande transatlantique 3 - bilingue

En septembre dernier, à l'occasion de la parution en France de Bois Brésil d'Oswald de Andrade, une nouvelle revue sur la lusophonie, Pessoa (revue papier trimestrielle et gratuite ; version en ligne : http://www.revistapessoa.com/), adressait au traducteur quelques questions en vue d'une brève quoique sympathique note de circonstance, qui fut postée sur le site de la revue dans la rubrique « Noticias ».
Il n'a point paru tout à fait oiseux d'archiver ici l'intégralité inédite des réflexions suscitées par ce questionnaire, évidemment subjectives et orientées, autrement résumées par le rédacteur de Pessoa.
NB: Le texte a été rédigé initialement en portugais ; est donnée ci-après une traduction française pour les lecteurs de Bois Brésil & Cie ; segue também a versão original em português para os amigos brasileiros. Quelques ajouts entre crochets.

« Pessoa : L’œuvre d’Oswald de Andrade est emblématique dans la littérature brésilienne, mais quelle est son importance pour le public français ?
A.C. : En mettant de côté le grand public, qui ne lit que les romans contemporains, et en considérant également qu’il n’est pas si loin le temps où l’on croyait que la capitale du Brésil était Buenos Aires, et la langue nationale, l’espagnol, la situation d’Oswald de Andrade à l’égard d’un lecteur français plus ou moins cultivé, ou simplement curieux, me semble assez étrange et paradoxale.
Couv. du vol. Anthropophagies,
trad. de J. Thiériot,
Flammarion, coll. "Barroco", 1982
De fait, dans un contexte où l’on parle peu de la littérature brésilienne en général, et encore moins de la poésie et du Modernisme, certains noms ont déjà été introduits chez nous comme des repères fondamentaux dans l’histoire culturelle brésilienne. Parmi d’autres, Oswald n’est certes pas un inconnu. Du fait, sans aucun doute, d’avoir été cité par les poètes concrets, dont l’activité n’est pas passée inaperçue en Europe. Comme Mário de Andrade, par exemple, il est toujours évoqué en première place dans les bilans panoramiques sur la modernité au Brésil.
Mais cette visibilité, bien sûr relative, est aussi superficielle. Aujourd’hui encore, Oswald de Andrade se résume en une petite série de stéréotypes, si ce n’est en un seul, le fameux calembour « Tupi or not tupi… ». À l’instant même où l’on souligne son importance, l’intérêt du lecteur bute sur ce cliché réducteur, et il aura le plus grand mal à en savoir plus. C’est déjà quelque chose si le nom de l’auteur n’apparaît pas orthographié de manière erronée : Oswaldo… Pourtant, dès 1982, était publié en français un important volume, par le traducteur Jacques Thiériot [récemment décédé], sous le titre Anthropophagies : il rassemblait les deux grands romans d’Oswald, les Memorias sentimentais de João Miramar et Serafim Ponte Grande, ainsi que les deux manifestes et quelques autres textes « anthropophages ». Mais qui l’a lu ? Le livre n’a jamais été réédité et tout demeure comme s’il n’avait pas été publié.
J’ai effectué une longue recherche sur cette histoire de la réception française d’Oswald, et je suis parvenu à un total de 7 traductions différentes, dispersées dans des livres ou des revues, du Manifesto antropófago, depuis les années 1970, nombre que l’on peut augmenter avec les rééditions, ici et là, de plusieurs de ces versions concurrentes [et il y en a, en réalité, une 8ème qui m'avait échappé...]. Tant d’efforts pour un tel résultat ! Oswald reste le père audacieux de l’Anthropophagie culturelle, et rien de plus. A-t-il fait quelque chose avant ou après le manifeste de 1928 ? A-t-il écrit des romans, de la poésie, du théâtre, des essais ? Rien.
Dans ces conditions, j’estime qu’il y a déjà tout un discours général autour de lui, une réputation amusante qui accompagne son nom, mais que son œuvre demande encore à être découverte et évaluée comme part essentielle de la modernité occidentale. Tout reste donc à faire, à nouveau, dans le cadre éditorial, et c’est presque un écrivain inédit que les Éditions de la Différence (qui disposent du catalogue le plus portugais parmi les éditeurs français, soit dit en passant) s’efforcent aujourd’hui de présenter.

Quelles ont été les principales difficultés rencontrées durant la traduction ?
La poésie d’Oswald de Andrade se présente comme une poésie fort simple, naïve, sans complexité sémantique, sans érudition. Mais en même temps, comme l’on sait, elle est d’une facture extrêmement synthétique, elliptique, au niveau linguistique d’abord, facture sous laquelle s’opère un jeu très riche de références, d’allusions diverses, et une véritable cohérence et profondeur en tant que discours poétique sur ce que c’est qu’être moderne à l’ère post-coloniale du Brésil d’alors.
On pourrait citer des exemples, mais il suffit d’imaginer un roman de 400 pages duquel on eût extrait seulement quelques fragments déliés, et même parfois un mot dans un chapitre entier [comparez le poème « Morro Azul » et le récit de Blaise Cendrars, « La Tour Eiffel sidérale », dans Le Lotissement du ciel ; le premier est l'inscription en quelques vers d'un motif développé plus tard dans le second]. Cela signifie qu’il y a tout un contexte virtuel à reconstruire, que ce soit sur le plan historique, culturel, intertextuel ou même autobiographique, puisque l’auteur inclut sa propre anecdote dans la dimension collective. Spécialement et paradoxalement avec une telle poésie, le traducteur doit être un lecteur attentif, et réunir parfois une érudition stupéfiante afin de ne pas se tromper dans l’interprétation du vers le plus simple. Là où le lecteur brésilien peut citer un poème sans en bien comprendre tous les détails, simplement pour illustrer une idée générale sur l’esthétique de l’auteur, le traducteur n’a pas droit à l’innocence, et il doit choisir un sens pour chaque ambiguïté, ou du moins tenter de le faire, pour restituer dans sa langue tous les sous-entendus disposés dans l’original.
Telle fut la tâche principale, de manière inattendue, et celle qui a exigé le plus de temps, jusqu’à la découverte, sur certains points, de détails qui peut-être restent aujourd’hui encore inaperçus du lecteur brésilien. Cela justifie aussi l’édition critique, préfacée et annotée, au-delà de la traduction proprement dite, dans la mesure où les possibles dédoublements sont si nombreux, d’une poésie pleine d’implications cachées. En fin de compte, cela aura été la déconstruction de cette fausse idée selon laquelle les grandes œuvres classiques n’ont pas d’âge : chaque texte, quel qu’il soit, est entrelacé dans un complexe qui ne peut que vieillir et devenir en grande partie illisible, et le véritable sens de la culture consiste à maintenir ce complexe vivant, dans le présent, acte de médiation qui se révèle plus nécessaire encore dans le cas d’une traduction.

Après avoir traduit cette œuvre, allez-vous passer à la traduction d’un autre auteur lusophone ?
Bien sûr que oui. J’ai mis le pied, presque par hasard, dans cette affaire du Modernisme brésilien, et je ne vais pas m’en aller comme cela. Au début, j’ai conçu un intérêt particulier pour Pau Brasil, pour diverses raisons personnelles ou contextuelles, mais en réfléchissant à la symbolique du bois-brésil, à cette « poésie d’exportation », j’en suis venu à la conclusion que le livre devait être le premier pas dans une aventure plus vaste, avec l’intention de divulguer davantage la littérature de la génération moderniste. Le Pau Brasil est déjà un projet ancien. En attendant qu’il soit finalisé, j’ai fait des recherches sur d’autres auteurs, puisque tout mouvement d’avant-garde est un réseau de noms et d’œuvres qui font sens comme ensemble.
Ce mois d’octobre, déjà, sort un choix des meilleurs poèmes de Luís Aranha, ce « poète occasionnel » selon les termes de Manuel Bandeira, augmentés du long essai que leur consacra Mário de Andrade, ainsi qu’une anthologie sur Sérgio Milliet, avec toute sa poésie bilingue des années 1920, une prose narrative et quelques textes critiques. Je trouve qu’il est important d’ouvrir les portes de la traduction à des écrivains qui, même au Brésil, ne sont pas restés très fameux, parce que ce sont aussi eux qui ont fait ce que fut le Modernisme, et leur poésie mérite d’être redécouverte.
Par ailleurs, je suis en train de mettre la dernière main à deux volumes de Mário de Andrade, à paraître en 2011. Il s’agit de Paulicéia Desvairada, une autre œuvre poétique fondamentale et si dédaignée par les traducteurs, et d’une réunion d’essais et textes critiques, avec l’Escrava que não é Isaura comme texte principal. Ensuite, viendront plusieurs auteurs comme Carlos Drummond de Andrade (qui a déjà été traduit, mais de qui aucun livre de poèmes ne peut être lu dans son intégralité), Ronald de Carvalho, Paulo Prado, Antônio de Alcântara Machado, parmi d’autres, avec de la poésie, des essais, des récits : elles ne manquent pas, les œuvres qui attendent encore une traduction, si nous voulons faire preuve par ici d’une véritable connaissance du legs du Modernisme brésilien, et il y a du travail pour des années. J’espère que d’autres s’occuperont, comme certains l’ont déjà fait, de la poésie brésilienne plus contemporaine. »

Version portugaise originale :

« Pessoa : A obra de Oswald de Andrade é icónica na literatura brasileira. Mas qual é sua importância para o público francês ?
A.C. : Deixando de lado o grande público, que só lê os romances contemporâneos, sendo também que não é muito longe o tempo em que se dizia Buenos Aires ser a capital do Brasil, e o espanhol o idioma nacional, a situação de Oswald de Andrade perante um leitor francês mais ou menos culto, ou simplesmente curioso, me parece bastante estranha e paradoxal.
De fato, num contexto onde pouco se fala da literatura brasileira em geral, e ainda menos da poesia e do Modernismo, alguns nomes já foram introduzidos entre nós como marcos fundamentais na história cultural brasileira. Entre outros, Oswald não é um desconhecido, não. Sem dúvida pelo fato de ter tido citado pelos poetas concretistas, cuja atuação não foi despercebida na Europa. Como Mário de Andrade, por exemplo, ele vem sempre evocado em primeiro lugar nos balanços panorâmicos sobre a modernidade no Brasil.
Mas essa visibilidade, claro que relativa, é também superficial. Ainda hoje Oswald de Andrade se resume numa pequena série de estereotipos, se não num só, o famoso trocadilho « Tupi or not tupi… ». No mesmo tempo em que se ressalta sua importância, o interesse do leitor para nesse clichê redutor, e ele terá a maior dificuldade em saber mais. Já é grande coisa se o nome não vem erroneamente grafado : Oswaldo… No entanto, já em 1982 saia um importante volume em francês, pelo tradutor Jacques Thiériot, com o título de Anthropophagies : reunia os dois grandes romances, o Miramar e o Serafim, com os dois manifestos e outros textos « antropófagos ». Mas quem leu ? O livro nunca foi reeditado e tudo continua como se não tivesse tido publicado.
Pesquisei bastante sobre essa história da recepção francesa do Oswald, e cheguei ao total de 7 traduções diferentes, esparsas em livros e revistas, do Manifesto antropófago, desde os anos 70, número que se pode aumentar com as reedições cá e lá de várias dessas versões concorrentes [que chegam ao número de 8, na realidade, como ultimamente descobri...]. Tanto esforço para tal resultado ! Oswald fica o pai ousado da Antropofagia cultural, e nada mais. Fez alguma coisa antes ou depois do manifesto de 1928 ? Escreveu romances, poesia, teatro, ensaios ? Nada.
Nessas condições, acho que já tem todo um discurso geral em torno dele, uma reputação divertida que acompanha o seu nome, mas a obra dele ainda está para se descobrir e ser avaliada como parte essencial da modernidade occidental. Portanto, tudo está para fazer de novo, no quadro editorial, e é quase um escritor inédito que a editora La Différence (com o catálogo mais português dentre os editores franceses, seja dito de passagem) hoje se esforça em apresentar.

Quais foram as principais dificuldades que encontrou durante a tradução ?
A poesia de Oswald de Andrade se apresenta como uma poesia muito simples, ingênua, sem complexidade semântica, sem erudição. Mas ao mesmo tempo, bem se sabe que é de uma feição extremamente sintética, elíptica, já no nível lingüístico, e sob a qual se proporciona um jogo riquíssimo de referências, de alusões diversas, e uma verdadeira coerência e profundidade como discurso poético sobre o ser moderno na área pós-colonial do Brasil de então.
B. Cendrars,
O Loteamento do céu,
trad. em português do Brasil
por Geraldo Cavalcanti,
Companhia das Letras, 2009
Se poderia citar exemplos, mas basta imaginar um romance de 400 páginas de que fossem tirados só alguns fragmentos desconexos, até as vezes uma palavra num capítulo inteiro [leiam juntos o poema "Morro Azul" de Oswald e a narrativa de Blaise Cendrars recém-traduzida no Brasil, "A Torre Eiffel sideral", no Loteamento do céu ; o poema diz em poucos versos o que o romance desenvolveu mais tarde]. Isso quer dizer que tem todo um contexto virtual para reconstruir, seja no lado histórico, cultural, intertextual, e até autobiográfico, sendo que o autor inclui o próprio anedótico na dimensão coletiva. Especialmente e paradoxalmente com tal poesia, o tradutor deve ser um leitor atento, e as vezes reunir uma erudição estupenda para não errar na interpretação do verso mais simples. Quando o leitor brasileiro pode citar um poema sem bem entender todos os pormenores, só para exemplificar uma idéia geral sobre a estética do autor, o tradutor não tem direito para inocência e deve escolher um sentido para cada ambigüidade, ou ao menos tentar, para restituir na sua língua todos os subentendidos dispostos no original.
Essa foi a tarefa principal, de forma inesperada, e a que exigiu muito tempo, até descobrir, em alguns pontos, certos detalhes que talvez ficam ainda hoje despercebidos pelo leitor brasileiro. Isso é também a justificativa da edição crítica, prefaciada e anotada, além da tradução propriamente dita, sendo tantos os possíveis desdobramentos de uma poesia farta de implicações escondidas. Afinal, foi a deconstrução da falsa idéia pela qual as grandes obras clássicas não têm idade : cada texto, qualquer que seja, fica entrelaçado num complexo que não pode senão envelhecer e se tornar em grande parte ilisível, e o verdadeiro sentido da cultura é no fato de manter esse complexo vivo, no presente, ato de mediação que fica mais necessário ainda no caso de uma tradução.

Depois de ter traduzido esta obra, seguir-se-à alguma tradução de outro autor lusófono ?
Claro que sim. Botei o pé, quase que por acaso, nessa coisa do Modernismo brasileiro, e não vou me despedir assim. No inicio concebi especial interesse para o Pau Brasil, por varias razões pessoais ou contextuais, mas pensando na simbolica do pau-brasil, nessa « poesia de exportação », cheguei à conclusão do que o livro devia ser o primeiro passo numa aventura mais ampla, com o intuito de divulgar mais sobre a literatura da geração modernista. O Pau Brasil ja é um projeto antigo. Na espera de sua finalização, pesquisei outros autores, sendo que cada movimento vanguardista é uma rede de nomes e obras que fazem sentido como conjunto.
Ja nesse mês de outobro, sai uma escolha dos melhores poemas de Luis Aranha, esse « poeta bissexto » nos dizeres de Manuel Bandeira, com o longo ensaio qie lhe foi dedicado por Mario de Andrade, mais uma coletânea sobre Sérgio Milliet, com toda a sua poesia bilingue da década 20, uma prosa narrativa e alguns textos criticos. Acho importante abrir as portas da tradução para escritores que até no Brasil não ficaram muito lembrados, porque também eles fizeram o que foi o Modernismo, e a poesia deles merece ser redescoberta.
Além disso, estou concluindo dois volumes de autoria de Mario de Andrade, a sairem no ano 2011. Se trata da Paulicéia Desvairada, outra obra poética fundamental e tão injustiçada pelos tradutores, e de uma reunião de ensaios e textos criticos, com a Escrava que não é Isaura como texto principal. Depois virão varios autores como Carlos Drummond de Andrade (que ja foi traduzido, isto é claro, mas de quem nenhum livro de poesia pode ser lido na integra), Ronald de Carvalho, Paulo Prado, Antônio de Alcântara Machado, entre outros, com poesia, ensaios, narrativa : não faltam as obras que ainda esperam a tradução, se quisermos manifestar por aqui um verdadeiro conhecimento do legado do Modernismo brasileiro, e tem trabalho para anos. Espero que outros se preocupem, como alguns ja fizeram, com a poesia brasileira mais contemporânea. »

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