Une
chose doit être dite : quarante ans après les premières recherches sur le sujet, et alors même que les travaux de nature biographique n’ont pas manqué de s’accumuler, on n’en finit pas d’explorer les archives de presse et de mettre la main sur de
nouveaux faits relatifs à la vie stupéfiante de Pagu (Patrícia Galvão, 1910-1962), de
réviser, d’augmenter la chronologie de péripéties de toutes sortes, entre menues
anecdotes et événements plus ou moins majeurs… Les récentes éditions critiques du roman Parc industriel (française en 2015 et brésilienne en 2018), puis l’édition française de son autobiographie (Matérialisme & zones érogènes, Le Temps des Cerises, 2019), ont pu établir des éléments jusqu’alors inconnus — et
vous pensez bien qu’on ne peut pas tout retenir, encore, dans les appareils
critiques. Ces apports ne sont jamais vains puisqu’ils permettent à la fois de
sortir de l’ornière des clichés approximatifs qui finiraient presque par galvauder
une figure trop mythique, et de compléter considérablement notre connaissance
et notre compréhension d’une « vie-œuvre » autrefois défrichée par
Augusto de Campos, ce pionnier.
L’internationale
des amis de Pagu fait son œuvre (tandis que s’étoffent les bibliothèques numériques), et pour cette fois c’est la chercheuse et
écrivaine brésilienne Adriana Armony, qui enquête actuellement sur le séjour
parisien de Pagu de l’été 1934 à l’été 1935 (période peu ou prou connue, mais
encore très imprécisément documentée, mal balisée), qui vient de nous dégoter
ces petites nouvelles parues dans le n°265 de La Défense
(Organe de la Section française du Secours Rouge International) (Paris, 8e année), en date du vendredi 7 septembre 1934.
Une arrestation de plus, dans le parcours erratique de la jeune militante
communiste qui était partie seule, à 23 ans, faire le tour du monde, et déjà une menace d’expulsion alors qu’elle venait juste de débarquer
à Paris, expulsion qui ne devait intervenir, dans d’autres circonstances, qu’un
an plus tard.
En
page 3 de cette livraison de La Défense,
une notule insérée dans la « Quinzaine de la répression (du 16 au
31 août) / Contre les immigrés » donnait ainsi l’alerte,
coquille comprise : « Galvao Pagne [sic] est arrêtée sans motif et expulsée de France. »
Absconse
information développée en page 4, dans « La page de nos
correspondants : la vie de nos comités et les petites nouvelles des villes
& villages », rubrique « De la région parisienne » :
Une
scandaleuse expulsion dans le 17e
Notre
camarade Patricia Galvao, de nationalité brésilienne, a été arrêtée samedi
26 août, sous prétexte de distribution de tracts. Elle se trouvait dans le
square des Batignolles où avait lieu effectivement une distribution de tracts
contre les manœuvres aériennes, mais elle n’y participait pas, étant au bras de
son compagnon. Le gardien du square la désigna aux agents parce qu’elle portait
une cravate rouge.
Patricia
Galvao ne fut relâchée que lundi soir, après être restée plus de 24 heures
sans nourriture, après avoir été insultée grossièrement, et on lui signifia
alors un arrêté d’expulsion.
Contre
cet acte d’arbitraire, les travailleurs du 17e doivent protester,
signer par milliers des listes de pétition pour obtenir le retrait de cette
mesure inique.
Voilà
donc en partie éclaircies, et ce n’est pas rien, la date et les circonstances de l’une
des arrestations de Pagu durant son étape parisienne, qui furent, croit-on
savoir, au nombre de trois. L’écho nous dit quelque chose, en outre, de l’intégration
de la « camarade » Pagu
dans les réseaux militants, communistes ou antifascistes, alors actifs dans la
capitale française. Il faudrait aussi identifier, un jour, peut-être, quel fut
ce « compagnon » de la
belle Pagu (déjà séparée d’Oswald de Andrade) ; pour sûr quelque
descendant aurait des souvenirs à divulguer, qui sait quelques papiers et documents oubliés dans un grenier ? Affaire à suivre, naturellement.
Source
des images : gallica.bnf.fr / BnF
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