28 janvier 2019

Scandaleuse Pagu

Un résumé pour l’autobiographie de Pagu ?
Le voici, excellemment bouclé par quelque rédacteur anonyme d’un quotidien de Rio, dès 1936. Tout y est, ou presque.
(L’ouvrage de Patrícia Galvão (Pagu), Matérialisme & zones érogènes, à paraître aux éditions Le Temps des Cerises, sera en librairie le 7 mars.)


Visage vert et idées rouges
« Pagu », détenue à Paraíso, à São Paulo, continue d’alimenter le sensationnalisme de la presse

Pagu, lors de sa récente arrestation, à São Paulo

São Paulo, le 15 (Correspondance spéciale pour A Nação).
Dona Patrícia Galvão, qui s’est rendue célèbre sous le pseudonyme « Pagu », est de ces créatures destinées à rester toujours au centre des attentions.
Prise par la fièvre ou par le désir d’occuper l’affiche, jolie, jeune, intelligente, mais jugeant ces qualités insuffisantes pour attirer sur elle la curiosité publique, « Pagu », qui appartient à une importante et respectable famille pauliste, est apparue un beau jour, dans la capitale de São Paulo, toute saupoudrée de poudre de riz verte et du bâton violet sur les lèvres.
C’est de ce jour que date la célébrité de « Pagu ».
Se liant, plus tard, à l’écrivain Oswald de Andrade, communiste déclaré, « Pagu » est devenue une sorte de Paul de Tarse féminin de la doctrine marxiste et des credos de Moscou. Après la révolution de 1930, tandis que le général Miguel Costa était secrétaire de la Sûreté publique de São Paulo, « Pagu » et Oswald, profitant d’une ambiance favorable, lancèrent un journal incendiaire, O Homem do Povo, dans lequel ils s’en prenaient à tout ce qui ne sentait pas Lénine, Engels ou Marx. Un jour, la feuille de chou attaqua la Faculté de Droit, en affirmant qu’il fallait raser la vieille et traditionnelle école, et en traitant les étudiants d’ânes bâtés et autres épithètes semblables. Les élèves de la Faculté se rassemblèrent et réagirent, en décidant de saccager la feuille de chou. Se trouvaient à la rédaction, entre autres, Oswald et « Pagu ». L’affaire promettait, et le personnel de la rédaction voulut se mettre à l’abri, en prenant ses jambes à son cou. « Pagu », néanmoins », vit dans cet incident une nouvelle occasion de se mettre en évidence. Et armée d’un révolver, elle fit irruption au sommet des marches. Une huée fracassante accompagna la spectaculaire apparition.
Il y eut des cris, du chahut, des fuites et, bientôt, « Pagu » et quelques-uns des manifestants se trouvaient à la Police centrale, où le général Miguel Costa les admonestait, suspendant dorénavant la circulation d’O Homem do Povo.
« Pagu », la jeune femme qui ne se contentait pas d’être simplement jolie, se rendait de plus en plus célèbre.
À présent, impliquée dans la question de la conspiration communiste, « Pagu » a été arrêtée et incarcérée à la prison de Paraíso.
Mais là encore, dans ce repos imposé, « Pagu » donne de quoi faire aux autorités. De fait, on vient d’observer un curieux conflit juridictionnel entre l’avocat de la jeune communiste et le commissaire de l’Ordre Politique et Social, à propos de la visite de son défenseur à « Pagu ».
L’affaire promet et la femme à la poudre de riz verte qui prêche des idées rouges est certainement en train de se frotter les mains, de contentement. Bien sûr ! Elle est encore une fois sur la sellette…

Trad. A. C.

Source :
« Rosto verde e ideias vermelhas » (texte anonyme)
A Nação, Rio de Janeiro, 16 février 1936, p. 1 et 4
(Photo et légende d’origine.)

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