Brésilographies
C’est en un mois de mai
(1500) que se trouvait conclue la découverte du Brésil, « par hasard »,
par la flotte de Pedro Álvares Cabral partie pour les Indes, une trouvaille qui
se trouva attestée dans la lettre de Vaz de Caminha
à Dom Manuel Ier, roi du Portugal. Première relation de voyage au Brésil,
invention tout à la fois d’un pays et d’une littérature, et date fondatrice
d’une grande tradition d’émerveillement comme de perplexité, sans cesse
renouvelée — Oswald de Andrade, dans le Manifesto
da Poesia Pau Brasil de 1924, n’entendait-il pas raviver cette « joie
de l’ignorance qui découvre » ? retombant en enfance dans le poème
« Le 3 mai » : « J’ai appris avec mon fils de dix ans/ Que
la poésie est la découverte/ Des choses que je n’ai jamais vues »… Et
c’est en un autre mois de mai (2014) que paraissent coup sur coup deux ouvrages
qui viennent nous rappeler à quel point cette fabrique textuelle du Brésil fut
aussi une grande affaire française, avec ses grandes heures et ses errements,
depuis le mystérieux navigateur Binot Paulmier de Gonneville, parti à son tour
pour les Indes et abordant lui aussi par accident, tiens donc, les côtes
brésiliennes en 1504. Ensemble, ils témoignent de la richesse et de la
permanence de cette « relation » privilégiée, cet imaginaire français
du Brésil. D’un côté, les 1231 pages de l’anthologie conçue par le spécialiste
de la question, Régis Tettamanzi, Le
voyage au Brésil (Anthologie de voyageurs français et francophones du XVIe au
XXe siècle), nous invitent, à travers une table des matières pléthorique et
particulièrement concertée, à une exploration en tous sens, au gré
d’itinéraires historique, géographique, thématique et culturel, bien au-delà
des synthèses ou simplifications vulgarisatrices. On y retrouvera, à côté de
certaines pages consacrées, maints textes oubliés et toujours édifiants,
significatifs de dispositions variées, signés par des auteurs les plus divers,
de toutes les époques et de tous les métiers, religieux missionnaires, navigateurs,
aventuriers, historiens, géographes, scientifiques, ethnologues ou sociologues,
diplomates, artistes, poètes, littérateurs et essayistes, reporters… De
l’autre, et comme une continuation, le journaliste Patrick Straumann, à qui
l’on doit déjà deux volumes sur Rio de Janeiro et sur l’art baroque de
l’Aleijadinho, réassume et actualise cette posture du voyageur français et en
retient La meilleure part (Voyage au
Brésil), une brève synthèse, entre l’essai et le récit de voyage. Ces deux
publications ouvrent à leur façon une période où l’on va beaucoup parler du
Brésil, et éditer à tour de bras (ça a déjà commencé).
Régis Tettamanzi (éd.), Le voyage au Brésil (Anthologie de voyageurs français et francophones du XVIe au XXe
siècle), Robert Laffont, « Bouquins », 2014, 1231p.
Patrick Straumann, La meilleure part (Voyage au Brésil),
Chandeigne, « Lusitane », 2014, 118p.
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