Comptes rendus
de
de
Manuel Maples Arce
parus dans la presse française & en ligne
« Maples Arce le stridentiste », par Jacques Fressard
La Nouvelle
Quinzaine littéraire, n°1094, 1er-15
décembre 2013, rubrique « Littérature », p. 13.
Par la
grâce d’un érudit minutieux et passionné, voici que nous revient, superbement traduite,
l’œuvre d’un poète mexicain dont le retentissement dans les années vingt du
siècle dernier fut sans doute aussi grand que celui d’un Rubén Darío à la génération
précédente. Sous forme de documents graphiques, de manifestes et d’une
minutieuse étude des textes intégralement reproduits et traduits, le singulier mouvement
« stridentiste »
reparaît ici en une trajectoire ressuscitée.
D’emblée nous est également
présenté, en sa page initiale grand format, le premier numéro du journal Actual, qui fut parfois de tout son
long apposé sur les murs des rues de Mexico, telle l’annonce provocante d’une
nouveauté pharmaceutique : le comprimé stridentiste. Cette spécialité inédite
n’était autre tout d’abord en 1921 qu’une attaque frontale contre les figures révérées
de l’histoire de la nation : « Mort au curé Hidalgo », y lisait-on d’entrée de jeu à
propos de ce précurseur statufié de l’Indépendance mexicaine, une sorte de
moderne Vercingétorix local a priori intouchable. On y voyait aussi une photo de
Maples Arce, le nouveau poète avant-gardiste promoteur de la chose, muni d’une
grande fleur à la boutonnière qui suscita plus tard la raillerie de Borges,
oublieux de l’enthousiasme avec lequel il avait lui-même salué l’événement lors
de sa jeunesse genevoise. Le nouveau mouvement se plaçait délibérément sous le
signe du futurisme de Marinetti : « Il faut exalter sur tous les tons stridents de
notre diapason propagandiste la beauté actualiste des machines ». Et il se réclamait aussi de
Max Jacob — qu’on n’attendait peut-être pas en cette compagnie — et de Blaise
Cendrars. Ce manifeste, en tout cas, se concluait par un vibrant appel à la
jeunesse : « J’invite tous les jeunes poètes, peintres et sculpteurs du Mexique [...] à venir se battre à nos
côtés dans les lucifériennes rangées de la découverte ». De telle sorte qu’Ortega
pouvait non sans une certaine jubilation s’exclamer en 1923 : « Maples Arce s’en prend à
tout le monde ».
La modernité sera donc vécue ici
comme une exigence incontournable. Un des premiers recueils stridentistes,
désireux de couper court avec les valeurs reçues, s’intitulera Échafaudages intérieurs (poèmes radiographiques), on pouvait y lire, dès la deuxième
strophe, ces vers auxquels aurait pu souscrire chez nous peut-être déjà un Apollinaire :
« La ville insurgée aux
annonces lumineuses
flotte dans les almanachs,
et là-bas de soir en soir,
dans la rue repassée saigne un tramway. »
Le surgissement imprévu du verbe saigner signe ici un ton nouveau dans le
contexte poétique local du moment. Et notre novateur s’efforce même de réprimer
sous sa propre plume une tendance symboliste préexistante, comme en témoigne
cette sorte d’aveu au détour du poème : « ce violon mauve on lui
opère le larynx ».
Deux ans plus tard, en 1924,
l’audace d’une nouvelle vision urbaine ne se suffit plus à elle-même. L’heure
de la Révolution a sonné qui donnera naissance, dans le domaine plastique, aux
grands muralistes mexicains, un Rivera ou un Orozco. Maples Arce ne souhaite
visiblement pas être en reste. Le recueil Métropole (Super-poème bolchevique en 5 chants) nous montre soudain un poète
parfaitement armé pour s’adapter aux temps qui viennent :
« Les poumons de la Russie
soufflent sur nous
le vent de la révolution
sociale.
Les court-la-braguette
littéraires
ne comprendront rien
à cette nouvelle beauté
suante du siècle. »
Tous les soubresauts de la longue
guerre civile retentissent dans ce livre opportuniste et génial, qui trouvera
son prolongement dans un ultime recueil, Poèmes interdits (1927), qui fait figure de testament littéraire.
Désormais, bien que le mouvement stridentiste se soit prolongé un peu parmi des
étudiants soucieux d’être à la page, Maples Arce semble avoir tout dit et se
réfugie dans une carrière administrative inattendue où la flamme de sa poésie
va s’éteindre d’elle-même. Un destin mélancolique, certes, pour l’homme qui
naguère avait suscité l’intérêt du jeune Roberto Bolaño, lequel évoquera plus
tard sa rencontre avec lui dans deux articles et jusque dans son grand roman Les Détectives sauvages. Ajoutons seulement que le
travail du traducteur et commentateur, Antoine Chareyre, est tout à fait
remarquable, tant par sa substantielle postface, qui est un véritable essai, que
par les notes abondantes que pour une fois on a toujours plaisir à consulter.
Compte rendu
par Florence Olivier
Europe, n°1020, avril 2014, « Notes
de lecture », p. 343-345.
L’éternelle juvénilité des
avant-gardes paraît une nouvelle fois prouvée, avec ce livre d’Antoine
Chareyre, qui rend au poète mexicain Manuel Maples Arce la place qui lui revenait
déjà de droit parmi les inventeurs poétiques des années vingt du XXe siècle. Car il aura fallu qu’un Mexicain né en 1900, un Chilien né en 1953, un
Français enfin, né dans les années quatre-vingt, tous trois jeunes poètes, l’un
traducteur, se rencontrent par-delà les générations pour que naisse enfin cette
édition en français du manifeste inaugural et des recueils de poésie stridentistes
du premier d’entre eux.
Mexico, 1921 : Manuel Maples
Arce, 21 ans, lance tel un brûlot le premier manifeste stridentiste, imprimé
sur une feuille volante qu’il placardera sur les murs du centre de la ville. La
feuille est vouée à être périodique, elle porte un numéro 1, elle s’intitule Actual. Hoja de vanguardia. Mexico, 1976 : Roberto
Bolaño, 23 ans, lui-même membre fondateur de la néo-avant-garde poétique des
infraréalistes, proclame la parenté entre les deux mouvements, publie des entretiens
avec les trois écrivains stridentistes les plus emblématiques, Manuel Maples
Arce, Germán List Arzubide, Aqueles Vela, cite en les enchaînant des vers de
Maples Arce et de l’infraréaliste José Peguero. Qu’ils étaient donc alors relégués
au second plan, les stridentistes ! Évincés, et rondement, du futur canon
littéraire dès la fin des années vingt, par les poètes du trop sage groupe des
« Contemporáneos » mexicains, dans la lignée desquels se situerait
Octavio Paz. Mais la justice poétique est encore la meilleure, et c’est dans la
fiction des Détectives
sauvages que le redresseur
de torts Bolaño, devenu romancier, achèvera de rendre leur honneur de poètes
aux stridentistes. C’est là aussi, dans ce roman d’aventures où art et vie ne
font qu’un, où une scène désopilante de beuverie au mezcal s’achève sur la
lecture du « Répertoire d’avant-garde » qui concluait le manifeste d’Actual
n°1, qu’Antoine
Chareyre trouvera la confirmation de l’importance du mouvement stridentiste.
Paris, 2013 : Antoine Chareyre, le plus âgé des trois, publie Stridentisme !
Stridentisme, qu’est-ce à dire ?
Le manifeste de Maples Arce lance un appel à la rébellion contre les langueurs
poétiques du postmodernisme latino-américain, contre les institutions littéraires
officielles, contre les langages académiques, pour l’absolue modernité d’une
nouvelle poésie « actualiste »,
pour l’absolue ivresse des temps nouveaux de la radio, du train rapide, de
l’aéroplane, de l’hélice, de la ville et de la révolution. Car 1921, au
Mexique, marque le début d’une période de consolidation de l’État après les
luttes entre les factions révolutionnaires. Se met alors en place une politique
de nationalisme culturel sous l’impulsion du Secrétaire d’État à l’Éducation,
l’écrivain José Vasconcelos, qui confie aux muralistes le soin d’inventer une
peinture « révolutionnaire » vouée à narrer la geste de l’identité
mexicaine depuis les murs des bâtiments officiels. Qui gagnera, de l’État ou
des artistes, dans cette course à la révolution artistique, qu’ils croient
mener ensemble ? C’est sans doute de la féconde mais encombrante
contradiction qu’impliquait le soutien de l’État aux avant-gardes artistiques
que naissent l’élévation puis la chute du stridentisme.
On aura trop longtemps assimilé
les références du « Comprimé stridentiste » de Maples Arce à celles
du futurisme de Marinetti et, au Mexique, on aura très longtemps jugé qu’il n’y
avait là qu’un simple pot-pourri imitatif des avant-gardes européennes. L’un
des mérites de la recherche à la fois érudite et joueuse d’Antoine Chareyre,
c’est d’avoir minutieusement décelé dans le manifeste initial du mouvement, des
références plus soutenues aux ultraïstes espagnols, parmi lesquels Jorge Luis
Borges s’était formé à Madrid avant de fonder, avec son beau-frère espagnol
Guillermo de Torre, un ultraïsme argentin, qu’il reniera bientôt. Les notes
précises et l’excellente postface d’Antoine Chareyre montrent encore que c’est
essentiellement à travers les traductions effectuées par les Madrilènes Rafael Cansinos
Assens et Guillermo de Torre pour les revues Cosmópolis et Ultra que le Mexicain a eu accès aux poètes des
avant-gardes parisiennes cubistes, créationnistes, dadaïstes. Maples et Borges
se sont lus, appréciés, commentés dans leurs revues respectives, jamais oubliés.
Si le manifeste et son épatant
répertoire international orné de délicieuses coquilles portent haut
l’inventivité langagière, l’humour et la provocation, on peut y lire un
thésaurus des métaphores et des néologismes conceptuels qui migreront d’un
recueil de poèmes ou d’un récit stridentiste à un autre, car les membres du
groupe en feront leur langage commun. Maples Arce, l’initiateur, les manie avec
audace et agilité dès son premier recueil stridentiste, Échafaudages intérieurs (1922), sans toutefois se libérer
encore de la métrique moderniste. Il y brise malicieusement les images
attardées des beautés phtisiques, des pianos et des larmes qui faisaient encore
les délices des modernistes, les déplace dans des univers mécaniques, les déstabilise
à force d’hypallages incongrus et d’adjectifs stridents. Ses recueils suivants
poussent plus avant l’expérimentation rythmique, font résolument de l’« actualisme » le compagnon de
l’actuel, qu’il soit politique, humain, technologique. Métropole (Super-poème
bolchevique en cinq chants) (1924) chante la ville nouvelle de la
post-révolution, la « fièvre
sexuelle des usines », image qu’il emprunte à Cendrars, la « foule sonore », les « fleuves de blouses bleues », « le vent de Russie/ des grandes
tragédies ». Poèmes
interdits (1927) offre
le vertige du « looping the loop »
dans sa « Chanson depuis un aéroplane », qui survole les terres
américaines ; fait entendre les distances et les présences de la TSF ;
accélère la traversée des abords de Mexico que laisse derrière elle une automobile ;
veut serrer le cœur du lecteur en rappelant, encore et toujours, la révolution
et ses « hommes ivres [qui] jouent
aux cartes/ et aux sacrifices humains ».
L’édition d’Antoine Chareyre est
précieuse car les poèmes sont présentés en version bilingue, les maquettes et
couvertures initiales des recueils, reproduites en fac-similé. Et c’est
l’esprit même du groupe stridentiste qui apparaît là, fondé sur la complicité
entre écrivains et artistes visuels, sur la correspondance entre la lettre des
textes et le travail graphique du graveur Ramón Alva de la Canal, et des
peintres et graveurs Jean Charlot, Fermín Revueltas, Leopoldo Méndez. Le format
du livre édité par le Temps des Cerises se prête élégamment à cette mise en
valeur de l’interprétation réciproque des textes et des images. Un dernier mot
sur la bibliographie, exacte et éloquente, et sur les documents de la première
réception des œuvres stridentistes au Mexique et en France, qui, complétant la postface,
donnent au lecteur français un dossier critique où il trouvera tout ce qu’il
lui faut pour entrer un temps en stridentisme, chez notre correspondant
mexicain, ce dandy, ce révolutionnaire de Maples Arce.
« Manuel Maples Arce et le
stridentisme », par Éric Dussert
L’Alamblog, billet du 16 mars 2014.
Avant ce jour, Manuel Maples Arce (1898-1981)
n’avait été donné à lire qu’une fois aux lecteurs francophones : c’était
en 1936 et c’étaient ses Poèmes interdits
dont la traduction d’Edmond Vandercammen était destinée aux Bruxellois Cahiers du Journal des Poètes.
Soixante-huit pages en quatre-vingt ans, ça n’était pas de trop pour ce
Mexicain moderniste, auteur d’un Urbe,
Super-poema bolchevique en 5 cantos (1924) traduit par John Dos Passos en 1929
(N. Y., T. S. Book Company), ou des Poemas interdictos (Xalapa, Horizonte, 1927) dont la modernité
indéniable avait échappé de ce côté de l’Atlantique.
Servies avec de très
belles gravures sur bois d’époque dans un agréable et souple volume sur papier
couché, ses œuvres sont désormais accessibles, traduites et commentées par
Antoine Chareyre qui nous éclaire sur ce personnage. Et pour commencer par son
manifeste stridentiste qui mérite citation :
« Au
nom de l’avant-garde actualiste du Mexique, sincèrement horrifiée par toutes
les plaques notariales et autres enseignes consacrées par système cartulaire,
avec vingt siècles de succès répandu dans les pharmacies et les drogueries
subventionnées par la loi, je me centralise au sommet éclatant de mon
irremplaçable catégorie présentiste, équilatéralement convaincue et éminemment
révolutionnaire, pendant que le monde entier, hors de l’axe, se contemple sphériquement
stupéfait avec les mains tordues, impérativement et catégoriquement j’affirme,
sans plus d’exceptions pour les "players" diamétralement explosifs en
incendies phonographiques et cris acculés, que mon stridentisme déhiscent et
purifié pour me défendre des jets de pierre littéraux des derniers plébiscites
intellectifs : Mort au Curé Hidalgo, À bas San Rafael, San Lazaro,
Croisement. Il est interdit de coller des affiches. »
On voit le gaillard. Si
remarquable, au fond, qu’après un court passage par l’oubli, il traverse deux
romans contemporains, l’Ombre
de l’ombre de Paco Ignacio
Taibo II (Rivages, 1992) et surtout Les
Détectives sauvages (1998 ;
Folio, 2010) du regretté Chilien Roberto Bolaño (1953-2003). Indice sur le
double intérêt du personnage Manuel Maples Arce et de sa poésie qui se faufile
entre « Paroxysme », « Révolution » et « Saudade ».
À l’époque où les
avant-gardes se pressaient à s’en user les coudières, il est juste de rendre au
Stridentisme sa place et ses écrits. La « Chanson depuis un aéroplane »
suffirait presque, d’ailleurs, à le faire anthologiser, ainsi que ses odes à la
ville, à la révolution, et ses trouvailles, comme celle du « romantisme cannibale de la musique yankee ».
Plein de charme et de vigueur, il est le frère des poètes des années 1920,
celui qui revient et que l’on ne peut plus négliger.
« Voici
mon poème
brutal
et multiple
à la nouvelle ville.
Oh ville toute tendue
de câbles et d'efforts ;
toute sonore
d’ailes et de moteurs »
Voir aussi, par Éric
Dussert :
« Proses de Dada », Le
Matricule des Anges, n°150,
février 2014.
[…] Il reste beaucoup de
trouvailles à faire dans la jungle littérature des années 1920 […] témoign[e]
de cette époque d’excitation confuse […] le Stridentisme !
du Mexicain Maples Arce, étonnant avatar du futurisme d’outre-Atlantique.
« Le Stridentisme à la portée
de tous ! », L’Alamblog, billet du 11 janvier 2014.
En attendant de vous en faire l’article, l’Alamblog vous
annonce la présentation du livre Stridentisme !
de Manuel Maples Arce, moderniste
mexicain présenté dans ses exercices inédits en français par Antoine Chareyre, jeune traducteur dont nous allons
reparler. Et de M. Maples Arce itou, fondateur du mouvement éponyme, le 31
décembre 1921, avec des parti-pris comparables à ceux du futurisme :
couleur, vitesse, machines, etc. […]
« Des nouvelles… », L’Alamblog, billet du 14 novembre 2013.
[…] Le Temps des Cerises nous régale coup sur coup de deux
livres délectables : Stridentisme !,
un volume traduit par Antoine Chareyre,
jeune traducteur dont nous n’avons pas eu l’occasion de parler encore, à la
figure d’un Mexicain notablement méconnu en France, Manuel Maples Arce, animateur du stridentisme dans les
années 1920. […]
« Comprimé strident…iste »,
par Julie Curien
Blog Notes vagabondes, Cultures d’Amérique latine, billet du 3 janvier 2014.
« Nous en finirons avec les encapuchés de la poésie. » Mexico,
1921, un cri, écrit, dans la nuit. Manuel Maples Arce placarde ainsi son
manifeste poétique, intitulé « Comprimé stridentiste » sur le modèle,
peut-être, d’une réclame mode d’emploi pour un remède révolutionnaire :
« […] »
Ce
programme avant-gardiste, publié dans ce qui constituera le numéro un de la
revue Actual, est suivi
d’un répertoire de quelques deux cents poètes, pour la plupart issus de
l’ultraïsme espagnol. Décrié par nombre de critiques & poètes, mais « tôt salué par Borges, ami de Diego Rivera,
traduit par John Dos Passos, tiré de l’oubli par Roberto Bolano »,
Manuel Maples Arce (1900-1981) et le stridentisme qu’il fonde et porte tel un
« apôtre » de 1921 à 1927, constitue, selon Antoine Chareyre, « une pierre (angulaire) » de la
poésie latino-américaine, dont il est utile de restituer l’envergure. C’est
pourquoi Le Temps des Cerises publie, en 2013, sous le titre collectif Stridentisme !, la première
édition d’ensemble, en français, des textes cardinaux du poète à motocyclette.
Antoine Chareyre y présente une traduction inédite du Comprimido estridentista (1921), les versions complètes de Andamios interiores (1922)
et Urbe (1924)
et une traduction nouvelle des Poemas
interdictos (1927).
L’œuvre, présentée par Antoine Chareyre, est accompagnée d’un appareil de notes
éclairantes et d’un dossier riche en documents d’époque et analyse propice à la
mise en perspective. […] Cerise sur le gâteau, Le Temps des Cerises en fait un objet à
ravir, petit format carré, conjuguant couleurs noires, rouges & blanches,
parsemé d’illustrations (gravures sur bois) de Jean Charlot.
Au
gré des métaphores, les multiples images — en prismes — rencontrent des voix —
radios, piano, musiques —, expriment un certain lyrisme ; l’élan vers le
présent, l’avenir, se teinte de nostalgie voire de romantisme. Je vous souhaite
la bienvenue à bord de ce vol, avec le début de la merveilleuse « Chanson
depuis un aéroplane » (1927) :
« […] »
« Stridentisme », par Ambre Blondeau
La Revue du Projet, n°38, juin 2014.
Cet ouvrage rassemble pour la
première fois l’essentiel de l’œuvre « stridentiste ». Ce mouvement —
fondé et animé par l’écrivain et poète Manuel Maples Arce (1900-1981) — fut au
Mexique, de 1921 à 1927, l’avant-garde même. Il regroupe principalement, dans
un contexte post-révolutionnaire, des plasticiens et des écrivains. De même que
toutes les avant-gardes historiques, le Stridentisme prône une profonde
rénovation du langage artistique : faire table rase du passé artistique
colonial pour créer un art moderne en accord avec ce nouveau Mexique. Les
stridentistes développent une vision créative et libératrice de la
modernité : « Il faut exalter
sur tous les tons stridents de notre diapason propagandiste la beauté
actualiste des machines, des ponts gymniques violemment tendus sur les versants
par des muscles d’acier, la fumée des usines, les émotions cubistes des grands
transatlantiques avec leur fumante cheminée de rouge et de noir… ».
Ils s’engagent pour une société où les machines remplaceraient l’esclavage humain.
Ces œuvres, oubliées et
sous-estimées, sont remises en lumière par cet ouvrage. La première partie
« Poésie et manifeste », est composée de trois recueils de poèmes de
Maples Arce : Échafaudages
intérieurs : poèmes radiographiques (1922), Métropole : super-poème bolchevique en 5 chants (1924) et Poèmes interdits (1927). Ils sont
présentés sur une double page qui réunit le texte original ainsi que la
traduction en français, accompagnés de notes qui nous plongent aux sources du
manifeste.
Le stridentisme étant encore
méconnu en France, l’ouvrage affiche son but didactique. La partie
« Dossier » souhaite ainsi guider et éclairer le lecteur à l’aide de
documents d’époque. On découvre des reportages et des comptes rendus mais
également des articles et propos de Maples Arce : « Mais les inquiétudes post-révolutionnaires,
les explosions syndicalistes et les manifestations tumultueuses furent une stimulation
pour nos désirs iconoclastes et une révélation pour nos agitations intérieures.
Nous aussi, nous pouvions nous soulever. Nous aussi, nous pouvions nous
rebeller ». La postface permet enfin une approche historique des
textes et du parcours du poète.
Plus qu’un simple recueil de
textes, l’ouvrage souhaite faire connaître cet élan intellectuel souvent
ignoré. De nombreux stridentistes sont militants du Parti communiste mexicain
(PCM). À partir de 1924, la révolution esthétique est ainsi indissociable de la
révolution sociale et leur engagement passe par l’art en tant que système
libérateur de l’humanité. Les fondements, les motivations et la portée du
stridentisme sont ainsi mis en lumière, une lumière qui jette encore des feux
pour notre temps.
Voir aussi : Antoine Jockey, Al
Hayat, 22 novembre 2013 (en arabe).
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