Il y a belle lurette
qu’il n’encombrait plus les rayons « Poésie » de nos librairies —
même les meilleures — mais enfin il existait, stocké quelque part, on pouvait
se le procurer, on pouvait éventuellement le lire.
Tel ne sera plus le cas, bientôt, incessamment sous peu, et parmi bien d’autres, de l’ouvrage Bois Brésil (Poésie et manifeste) d’Oswald de Andrade, préfacé par Paulo Prado et illustré par Tarsila do Amaral, une
édition bilingue de 400p. établie, traduite, préfacée et annotée avec folie, patience et
ferveur, et publiée en 2010 aux Éditions de la Différence.
Puisque la maison d’édition a été mise en liquidation ce mardi 20 juin.
On voit quelquefois paraître des livres qui normalement ne paraissent pas. Mais tout finit toujours par rentrer dans l’ordre.
Les éditeurs qui
prennent des risques sont aussi les plus fragiles, et il faut s’attendre — quand
on traduit l’à-côté, le rare, le méconnu, le non-sollicité, le marginal, le
patrimonial, le mésestimé, l’intempestif, le périphérique — à ce qu’un ouvrage
n’ait qu’une espérance de vie limitée.
Il est déjà merveilleux
que quelque chose d’aussi essentiel et emblématique que la poésie d’Oswald de
Andrade — emblématique pour les curieux de littérature brésilienne ou les passionnés d’avant-garde ;
essentiel pour ceux que préoccupe la chose poétique — ait pu circuler discrètement,
quelques années durant, dans l’espace littéraire français, tellement plein de
lacunes, tellement plein d’angles morts.
Il faut saluer, près de
sept ans plus tard, l’immédiat enthousiasme avec lequel Colette Lambrichs avait accueilli ce projet — faisant toute
confiance, par là-même, à un jeune traducteur inconnu —, là où d’autres
confirmaient de tristes et insupportables préjugés (« il me paraît que le public français peut difficilement se
pencher sur ce type de poésie », écrivit alors un éditeur presque
tout désigné, pourtant, pour porter un tel livre).
Il faut saluer, encore, les quelques critiques qui avaient alors rendu compte de cette publication : Richard Blin dans le Matricule des Anges, Françoise Han dans les Lettres françaises, Michel Riaudel dans Europe… (tous textes lisibles ici), lecteurs attentifs, parfois pris au dépourvu mais conscients de ce qu’un incontestable chef d’œuvre poétique peut nous venir du Brésil, prenant acte du génie particulier de cette « poésie d’exportation », de ce que pareil trafic peut dérégler de notre doux commerce poétique.
Il faut saluer, encore, les quelques critiques qui avaient alors rendu compte de cette publication : Richard Blin dans le Matricule des Anges, Françoise Han dans les Lettres françaises, Michel Riaudel dans Europe… (tous textes lisibles ici), lecteurs attentifs, parfois pris au dépourvu mais conscients de ce qu’un incontestable chef d’œuvre poétique peut nous venir du Brésil, prenant acte du génie particulier de cette « poésie d’exportation », de ce que pareil trafic peut dérégler de notre doux commerce poétique.
Pour le coup c’est tout
un stock qui, au fond des cales, coule avec le navire.
Rendez-vous dans les bibliothèques, chez les bouquinistes, peut-être chez les soldeurs...
Rendez-vous dans les bibliothèques, chez les bouquinistes, peut-être chez les soldeurs...
(Remarquez, tout est
bien : on pourra continuer de réduire Oswald de Andrade, abusivement et
paresseusement, à l’unique proposition du Manifeste anthropophage, déjà traduit une dizaine de fois et qui
reste désormais le seul texte de l’auteur disponible dans la librairie française.)
Bref, dans les années,
les mois qui viennent, prochainement, dès demain, maintenant : un ouvrage,
un livre parmi les livres, mais un classique à rééditer !
(Le traducteur suppose — toujours — que chacun prendra ses responsabilités.)
(Un éditeur nous dit que l'ouvrage de la Différence est somme toute trop récent pour justifier une réédition dans l'immédiat. Ah, bon.)
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